La violence et le sacré

 La violence et le sacré, un livre de René GIRARD, publié à Paris, chez Grasset,  en 1972

violence et le sacré, René Girard, bouc émissaire

Un livre fondateur en ce qu’il pose une des bases les plus solides de la théorisation de l’observatoire du bouc émissaire.

On y trouve, sur le sacrifice : « Dans un univers où le moindre conflit peut entraîner des désastres […], le sacrifice polarise les tendances agressives sur des victimes réelles ou idéales, animées ou inanimées mais toujours non susceptibles d’être vengées… Il fournit à un appétit de violence dont la seule volonté ascétique ne peut venir à bout un exutoire partiel certes, temporaire, mais indéfiniment renouvelable et sur l’efficacité duquel les témoignages concordants sont trop nombreux pour être négligés. Le sacrifice empêche les germes de violence de se développer. »(p. 35).

Sur le désir mimétique : « Le désir est essentiellement mimétique, il se calque sur un désir modèle ; il élit le même objet que ce modèle. »(p. 205)

Et puis, toujours sur le désir mimétique: « Une fois que ses besoins primordiaux sont satisfaits, et parfois même avant, l’homme désire intensément, mais il ne sait pas exactement quoi, car c’est l’être qu’il désire, un être dont il se sent privé et dont quelqu’un d’autre lui paraît pourvu. Le sujet attend de cet autre qu’il lui dise ce qu’il faut désirer, pour acquérir cet être. Si le modèle, déjà doté, semble-t-il, d’un être supérieur désire quelque chose, il ne peut s’agir que d’un objet capable de conférer une plénitude d’être encore plus totale. Ce n’est pas par des paroles, c’est par son propre désir que le modèle désigne au sujet l’objet suprêmement désirable. » (p. 204-205)
Le conflit devient inéluctable : « Deux désirs qui convergent sur le même objet se font mutuellement obstacle. Toute mimesis portant sur le désir débouche automatiquement sur le conflit. » (p. 205).
Les désirs concurrentiels s’affrontent : « Si le désir est libre de se fixer là où il veut, sa nature mimétique va presque toujours l’entraîner dans l’impasse du double bind [double impératif contradictoire ; le modèle dit « imite-moi » et en même temps « ne m’imite pas »]. La mimesis se jette aveuglément sur l’obstacle d’un désir concurrent ; elle engendre son propre échec et cet échec, en retour, va renforcer la tendance mimétique. Il y a là un processus qui se nourrit de lui-même, qui va toujours s’exaspérant et se simplifiant. Chaque fois que [le sujet] croit trouver l’être devant lui, il s’efforce de l’atteindre en désirant ce que l’autre lui désigne ; et il rencontre chaque fois la violence du désir adverse. Par un raccourci à la fois logique et dément, il doit vite se convaincre que la violence elle-même est le signe le plus sûr de l’être qui toujours l’élude. La violence et le désir sont désormais liés l’un à l’autre. Le sujet ne peut pas subir la première sans voir s’éveiller le second. » (p. 207)

Une approche détaillée et critique du livre : ici

 Le compte-rendu du blog « le conflit » : ici

Le compte-rendu sur Persée.fr (revue l’Homme et la société) : ici

La note bibliographique de la revue de l’histoire des religions : ici

« le sacrifice se présente de deux façons opposées, tantôt comme une « chose très sainte » dont n ne saurait s’abstenir sans négligence grave, tantôt au contraire comme une espèce de crime qu’on n saurait commettre sans s’exposer à des risques également très graves » p.9

« Hubert et Mauss dans leur Essai sur la nature et la fonction du sacrifice invoquent le caractère sacré de la victime. Il est criminel de tuer la victime parce qu’elle est sacrée…mais la victime ne serait pas sacrée si on ne la tuait pas. » p.9

« mais le sacrifice et le meurtre ne se prêteraient à ce jeu e substituions réciproques s’ils n’étaient pas apparentés »p.10

« il y a un mystère du sacrifice » p.10

« le mécanisme physiologique de la violence varie fort peu d’un individu à l’autre et même d’une culture à l’autre. selon Anthony Storr, dans Human Aggression (Atheneum, 1966) »p.10

« Storr remarque qu’il est plus difficile d’apaiser le désir de violence que de le déclencher (…) « p.11

« (…) la violence « irrationnelle ». elle ne manque pourtant pas de raison » p.11

« si bonne que soient ces raisons, elle ne mérite jamais qu’on les prenne au sérieux. la violence elle-même va les oublier pour peu que l’objet initialement visé demeure hors de portée et continue à la narguer. la violence inassouvie chercher et finit toujours par trouver une victime de rechange » p.11

« A la créature qui excitait sa fureur, elle en substitue soudain une autre qui n’a aucun titre particulier à s’attirer les foudre du violent, sinon qu’elle est vulnérable et qu’elle passe à sa portée. »p.11

« il convient de se demander si le sacrifice rituel n’est pas fondé sur une substitution du même genre, mais en sens inverse. l’immolation de victime animale détourne la violence de certains êtres qu’on cherche à protéger, vers d’autres êtres dont la mort importe moins ou n’importe pas du tout. Joseph de Maistre observe que les victime animales ont toujours quelque chose d’humain comme s’il s’agissait de mieux tromper la violence » p.12