Citations commentées : bouc émissaire

Bouc émissaire : les citations sélectionnées et commentées par l’observatoire du bouc émissaire

Le mot bouc émissaire est utilisé souvent, et bien sûr toujours dans un contexte. Ici nous relevons l’utilisation du terme au sein de citations. Et nous expliquons l’expression au regard de notre façon de l’envisager.

Nous contribuons ainsi, modestement mais avec conviction, à faire du mot bouc émissaire, un concept. Et surtout, toutes ces citations permettent au lecteur de se faire sa propre opinion, de se forger sa propre théorie… Inégales au regard des sources, certainement de valeurs épistémologiques très diverses, volontairement non hiérarchisées, nécessairement -mais également volontairement- parties d’un tout, ces citations invitent souvent à aller au près du texte, sans ce contenter de l’extrait proposé.

Il s’agit, là encore, d’une quête….

Pour la référence du texte voire le texte lui-même, nous contacter.

bouc émissaire, les citations sélectionnées par l'Observatoire du bouc émissaire

Bouc émissaire : l’observatoire sélectionne et commente

Citations bouc émissaire texte 334

* Effectivement, comme le remarquent Nicole Belmont et Michel Izard à propos du jugement que l’auteur du Rameau d’Or porte sur la pratique du bouc émissaire, Frazer « semble ignorer tout de la nature et des fonctions du symbole ». (texte 334)

* Lorsqu’il traite de la pratique du bouc émissaire, Frazer observe qu’elle repose finalement sur « une simple confusion entre ce qui est matériel et immatériel, entre la possibilité réelle de colloquer un fardeau concret sur les épaules d’autrui et la possibilité de transférer nos misères physiques et mentales à quelqu’un d’autre qui s’en chargera à notre place ». (texte 334)

Citations bouc émissaire texte 333

* Donc, c’est moi qui suis l’ogre et le bouc émissaire. (texte 333)

Citations bouc émissaire texte 331

* « bouc émissaire désigne simultanément l’innocence des victimes, la polarisation collective qui s’effectue contre elles et la finalité collective de cette polarisation. (texte 331)

* bouc émissaire : « sous prétexte que tout le monde en connaît l’emploi, personne ne songe jamais à vérifier exactement ce qu’il en est et les malentendus se multiplient. (texte 331)

* « cet emploi n’a pas de rapport direct avec le rite bouc émissaire tel qu’il est écrit dans le Lévitique, ni avec les autres rites parfois dits « de bouc émissaire » parce qu’il ressemble plus ou moins à celui du Lévitique. (texte 331)

* dès que nous réfléchissons sur « bouc émissaire » (…) Le rite nous revient à l’esprit ; comme il s’agit d’une (page 62) cérémonie religieuse qui se déroulait à date fixe et qui était conduite par des prêtres, l’idée nous vient d’une manipulation délibérée. (texte 331)

* Que de telles choses puissent se produire, surtout à notre époque, c’est possible, mais elles ne se produiraient pas, même aujourd’hui, si les manipulateurs éventuels ne disposaient pas, pour organiser leurs mauvais coups, d’une masse éminemment manipulable, autrement dit de gens susceptibles de se laisser enfermer dans le système de la représentation persécutrice, de gens capables de croyance sous le rapport du bouc émissaire. (texte 331)

* « une conception trop consciente et calculatrice de tout ce que recouvre « bouc émissaire » dans l’usage moderne élimine l’essentiel, à savoir la croyance des persécuteurs en la culpabilité de leurs victimes, leur emprisonnement dans l’illusion persécutrice qui n’est pas une chose simple, on l’a vu, mais un véritable système de représentation. (texte 331)

* L’emprisonnement dans ce système nous autorise à parler d’un inconscient persécuteur et la preuve de son existence, c’est que même les plus habiles de nos jours à découvrir les boucs émissaires des autres, et Dieu sait si nous sommes passés maîtres en la matière, ne s’en découvrent jamais qui leur appartiennent en propre. (texte 331)

* Que chacun se demande où il en est sous le rapport des boucs émissaires. (texte 331)

* Cette hypothèse, en effet, résout l’énigme fondamentale de toute mythologie : l’ordre absent ou compromis par le bouc émissaire se rétablit ou s’établit par l’entremise de celui qu’il a d’abord troublé. (texte 331)

* Elle ne fait qu’un avec l’énigme du sacré primitif, c’est-à-dire avec le retournement bénéfique de la toute-puissance maléfique attribuée au bouc émissaire. (texte 331)

* Le bouc émissaire n’agit que sur les rapports humains détraqués par la crise mais il donnera l’impression d’agir36 également sur les causes extérieures, les pestes, les sécheresses et autres calamités objectives. (texte 331)

* Au-delà d’un certain seuil de croyance, l’effet du bouc émissaire invertit complètement les rapports entre les persécuteurs et leurs victimes, et c’est cette inversion qui produit le sacré, les ancêtres fondateurs et les divinités. (texte 331)

* Il y à deux moments dans les mythes et les interprètes ne réussissent pas à les distinguer. Le premier moment c’est la mise en accusation d’un bouc émissaire pas encore sacré sur lequel toute vertu maléfique s’agglutine. Il est recouvert par le second, celui de la sacralité positive suscitée par la réconciliation de la communauté. (texte 331)

* Est-ce faire trop de confiance au mythe que de supposer derrière lui une victime réelle, un bouc émissaire réel ? (texte 331)

* La pensée magique cherche « une cause significative sur le plan des rapports sociaux », c’est-à-dire un être humain, une victime, un bouc émissaire. (texte 331)

* Le mythe confirme pourtant le rôle probable du bouc émissaire joué par nanauatzin en le présentant comme un dieu « dont on ne tenait pas compte » ; il se tient à l’écart est resté silencieux. (texte 331)

* S’il se grève là dessus quelque grand effet bouc émissaire, ils pourront se retourner comme d’habitude vers leurs victimes qui détiennent déjà pour responsable de l’épidémie et ils vont la tenir pour responsable de la guérison. (texte 331)

Citations bouc émissaire texte 330

* On peut avoir un ressenti de revalorisation narcissique à être bouc émissaire ou à travailler avec ce type de public. (texte 330)

* Les marginaux sont souvent bouc émissaires. (texte 330)

* Cette théorie est une grille de lecture qui s’attache à décortiquer le fonctionnement d’une institution, même si on ne trouve pas toujours de bouc émissaire. (texte 330)

* Il est intéressant de voir où se trouve de façon spatiale le bouc émissaire. (texte 330)

* Quatre axes sont à prendre en considération pour réfléchir autour du phénomène de bouc émissaire. (texte 330)

* Tout soufre douleur n’est pas bouc émissaire. (texte 330)

* Bouc émissaire est un phénomène lent, la « tête de turc » est un phénomène plus impulsif. (texte 330)

* C’est un talent d’être bouc émissaire. Il faut beaucoup de choses pour focaliser toutes les énergies négatives contre soi. (texte 330)

* La vocation du bouc émissaire est de désorienter la force destructrice et ne pas dévier l’antagonisme réel. (texte 330)

* Comment avec mes pratiques au sein d’une institution, je fais pour prendre en compte ce phénomène de bouc émissaire ? (texte 330)

Citations bouc émissaire texte 329

* Dans l’hébraïque Vulgate, il est précisé que le bouc émissaire est « destiné à Azazel » démon du désert. (texte 329)

* Par exemple, dans son livre sur l’Inde, l’abbé Raynal fait observer que ses habitants « ont un cheval émissaire, le pendant du bouc émissaire des Juifs ». (texte 329)

* Résultat : la plupart des anthropologues évitent aujourd’hui tout recours systématique à la notion de « bouc émissaire », si bien que le terme lui-même est discrètement tombé dans le discrédit et n’est plus que le souvenir d’une anthropologie passée de mode. (texte 329)

*Dans tous les écrits habituellement soumis à notre attention, la (les) victime d’une violence ou d’une discrimination injuste sont désignés sous l’appellation de « bouc émissaire », notamment lorsqu’ils sont accusés ou punis non seulement pour les « fautes » des autres, comme l’affirment la plupart des dictionnaires, mais aussi à la suite de tensions, de conflits sociaux et de difficultés de toutes sortes. (texte 329)

* La langue anglaise a adopté la traduction scapegoat et en a fait des dérivés comme to scapegoat (tuer des boucs émissaires) et scapegoating (mécanisme du bouc émissaire) qui n’ont pas d’équivalent en français. (texte 329)

* Si chacun d’entre nous voit très bien les boucs émissaires des autres et s’en indigne ; en revanche aucun d’entre nous n’a le sentiment d’avoir eu lui-même dans le passé ni surtout d’avoir présentement des boucs émissaires. (texte 329)

* L’illusion qui accompagne le phénomène de bouc émissaire repose ainsi, pour Frazer, sur une confusion simpliste entre le mot et la chose. (texte 329)

* La question des rituels dits « de bouc émissaire » n’est pas réglée pour autant. (texte 329)

* Y a-t-il un rapport étroit entre eux d’une part et, d’autre part, le sens moderne et populaire du terme de bouc émissaire ? (texte 329)

* Quand on lit ces histoires de pharmakos, on ne peut s’empêcher de penser que ce rituel, comme d’autres de même nature, représente forcément l’institutionnalisation, à la fois astucieuse et naïve, du type de persécution spontanée que constitue la désignation d’un bouc émissaire. (texte 329)

* Souvent, bien sûr, on crie à la persécution des boucs émissaires de façon injustifiée. (texte 329)

* Le monde regorge de minorités opprimées par des majorités, et il faut croire que la notion de bouc émissaire et le vocabulaire qui s’y rapporte, saisissent une part essentielle de ces persécutions collectives, si l’on en juge par l’usage très répandu, bien qu’il ne soit pas systématique, qu’en font les sociologues. (texte 329)

*Il est significatif que le vocabulaire du bouc émissaire se glisse sous la plume de chercheurs qui, sur le plan théorique sont les plus opposés, à l’usage qu’on en a fait dans le passé. (texte 329)

* Quelle soit physique ou psychologique, la violence infligée à la victime nous paraît justifiée Ŕ justifiée par la responsabilité du bouc émissaire dans la survenue d’un mal dont il convient de se venger, d’un élément mauvais ou nuisible auquel il faut résister ou qu’il importe d’éliminer. (texte 329)

* Ce qui apparaît clairement, c’est que Milomaki a fort bien pu être un « bouc émissaire », non sur le mode que suggère l’ancienne anthropologie, mais sur le mode non conscient qui vient d’être défini à savoir cette façon propre à toutes les majorités de tenir la minorité pour responsable de tout ce qui va mal dans le groupe. (texte 329)

* Ils n’en sont pas moins deux boucs émissaires. (texte 329)

* Œdipe, lui aussi, pourrait bien être un bouc émissaire, non au sens du Lévitique, ni au sens frazérien, mais au sens non conscient et psychosocial auquel nous recourons tous spontanément lorsque nous parlons de chasse aux sorcières politique ou raciale. (texte 329)

* La même logique est à l’oeuvre dans l’un et l’autre cas, et c’est la logique de la foule ; et cette logique-là ne fait qu’un avec la logique du recours non conscient au bouc émissaire dans sa forme la plus brutale. (texte 329)

* La puissance génératrice du bouc émissaire qui se cache derrière les mythes est incomparablement « plus forte » ou plus intense que tout ce que nous pouvons observer autour de nous, ou même que tout ce que nous pouvons déceler dans nos archives historiques. (texte 329)

* On ne manquera pas de faire remarquer qu’un bouc émissaire, aussi puissamment rejeté Ŕ puis adulé Ŕ soit-il, ne saurait éliminer la peste. (texte 329)

* Afin de produire de la mythologie, la persécution d’un bouc émissaire doit coïncider avec une amélioration objective de la situation (dès lors qu’on a vraiment affaire à une situation mauvaise) et suffisamment importante pour que se produise l’effet psychosocial favorable, associé aux persécutions victimaires intenses. (texte 329)

* Un phénomène de bouc émissaire ne peut avoir d’incidence que sur une seule réalité : le climat social. (texte 329)

* On est en droit de penser que la mythologie résulte toujours d’une perturbation de ce climat, suivie d’un retour à la sérénité dû au bouc émissaire. (texte 329)

* Croire au bouc émissaire signifie d’abord une seule chose, c’est croire à sa responsabilité de fauteur de troubles. (texte 329)

* Le bouc émissaire donne toujours l’impression d’être un acteur plus puissant, ou une cause plus puissante, que ce qu’il est vraiment. (texte 329)

* À l’agitation et à la peur qui ont précédé le choix du bouc émissaire, puis à la violence exercée contre lui, succède, après sa mort, un climat nouveau d’harmonie et de paix. (texte 329)

* Évidemment, à la toute-puissante cause qui domine l’ensemble de la communauté : au bouc émissaire lui-même. (texte 329)

* et, dès lors que le bouc émissaire a ramené toute causalité à lui-même, il ne peut manquer d’apparaître comme le grand manipulateur, l’unique et tout-puissant intervenant en cette affaire. (texte 329)

* La foi dans le bouc émissaire est si forte qu’elle supplante même le pouvoir de la mort. (texte 329)

* Dans tous les cas, le bouc émissaire est tenu pour celui qui a organisé et manipulé toute la crise, afin de pouvoir offrir un nouveau commencement. (texte 329)

* Certains critiques modernes font d’œdipe une sorte de pharmakos ou de « bouc émissaire » dans l’ensemble du mythe d’OEdipe. (texte 329)

* L’unique interprétation qui ait du sens est celle qui postule que, derrière tous les thèmes, le mécanisme de « bouc émissaire » représente la force qui les engendre et les organise. (texte 329)

* S’attendrait-on à ce qu’un procureur présente comme « bouc émissaire » l’homme dont il s’efforce de démontrer la culpabilité ? (texte 329)

* Ou bien un texte réel dérive d’un phénomène de victimisation, et il ne contient alors aucun thème évoquant le « bouc émissaire », ou bien il contient un thème de ce type, et il n’est pas, du coup, le produit du processus en question. Impossible d’avoir les deux à la fois. (texte 329)

* Dans son œuvre Le Bouc émissaire, R. Girard, cherchant à illustrer le distinguo crucial, d’une part le mécanisme du bouc émissaire et, d’autre part, le thème ou motif du bouc émissaire, il a eu recours à des textes médiévaux qu’on peut tenir pour des quasi-mythes (…). (texte 329)

* Dès lors que l’injustice des violences commises échappe à Machaut, aucun historien ne s’attend à ce qu’il dise que les Juifs ont servi de « bouc émissaire ». Et pourtant tous les historiens affirment que tel fut bien leur sort. Il n’est pas nécessaire d’être un historien qualifié pour appliquer spontanément au texte de Machaut le même type d’analyse en termes de « bouc émissaire » que R. Girard recommande pour la mythologie proprement dite. (texte 329)

* Il est clair cependant que ce savoir historique ne joue pas un rôle central dans l’interprétation du texte de Machaut comme illustrant le phénomène de « bouc émissaire ». L’essentiel tient à une conjugaison de thèmes dont on estime qu’elle caractérise ce type de persécution et c’est la même combinatoire qu’on retrouve dans le mythe de Milomaki et dans celui d’œdipe. (texte 329)

* En revanche, l’historien contemporain assimile explicitement les Juifs à des boucs émissaires, utilisant ces mots mêmes ou des termes équivalents. (texte 329)

* Il écrit un texte contenant le thème du bouc émissaire, ce qui a pour conséquence que son texte n’est plus lui-même structuré par un processus réel de victimisation. (texte 329)

* Le rôle spécifique de l’Étranger dans le thème du bouc émissaire. (texte 329)

* Le bouc émissaire que nous y repérons ne nous est pas directement fourni par le mythe, mais résulte de notre propre intuition et de notre propre décodage du mythe (…). (texte 329)

* Car on ne doit jamais confondre ces deux choses : la persécution unanime ou mécanisme du bouc émissaire, en tant que pouvoir morphogénétique dissimulé derrière un texte, et ce qu’il est convenu d’appeler le motif du bouc émissaire, qui sape ce pouvoir morphogénétique caché. (texte 329)

Citations bouc émissaire texte 327

* Roi sacré, victime sacrificielle et victime émissaire. (texte 327)

* Selon la seconde théorie, le roi est un bouc émissaire, prenant en charge tous les maux qui peuvent atteindre le groupe : il doit être mis à mort pour purifier la collectivité dès que le salut de celle-ci paraît l’exiger. (texte 327)

* Elles montrent que le roi est avant tout, et non pas accessoirement, un bouc émissaire. (texte 327)

* En revanche, la seconde théorie est d’emblée satisfaisante. Si le roi est un bouc émissaire, on comprend que le moyen le plus radical de se défaire du mal qu’il incarne est de le mettre à mort. (texte 327)

* Mais, s’il est un bouc émissaire potentiel, le meurtre qu’il commet dans le bosquet sacré, aussi bien que l’inceste ou le cannibalisme rituel, le chargent d’un premier crime qui le met d’entrée de jeu en position de réceptacle potentiel de tous les maux de son groupe, de « tas d’ordures » de son peuple, comme le disent si bien certains chants d’intronisation mossi. (texte 327)

* le régicide de Némi élimine un bouc émissaire et en crée un autre simultanément. (texte 327)

* le roi garantit la prospérité et sert, le cas échéant, de bouc émissaire. (texte 327)

* Tantôt le roi est mis à mort parce que son affaiblissement physique menace l’univers et la société, tantôt il est tué en tant que bouc émissaire. (texte 327)

* Dire que le roi jukun est aussi un bouc émissaire, c’est permuter les attributions, c’est postuler entre celles-ci un ordre de préséance que la  comparaison des deux monarchies ne justifie absolument pas, mais tendrait plutôt à mettre en question. (texte 327)

* Le chef de guerre comme le kurita jouent le rôle de boucs émissaires du roi, le premier tout au long de son règne, le second après sa mort naturelle ». (texte 327)

* En effet, si l’élimination du roi bouc émissaire est un remède à tous les maux qui peuvent atteindre le groupe, on comprend que, par extension, la  personne royale puisse être tenue pour la source de tous les biens. (texte 327)

* Le chef samo, bouc émissaire prisonnier de son peuple, est déjà un faiseur de paix, mais seulement comme il est un faiseur de pluie, c’est-à-dire
qu’il est tenu pour responsable des conflits comme il l’est de la sécheresse. Le roi de la paix mossi, délesté de ses fonctions de bouc émissaire, est réellement maître de la paix et maître des conflits qu’il peut garantir ou réprimer par la force, sans avoir besoin de demeurer maître de la nature. (texte 327)

* Lier le renversement structural, qui propulse le roi sacré du statut de bouc émissaire à celui de chef d’État, à la naissance de l’État, c’est tout simplement constater que le pouvoir politique centralisé est présent ici et non là. (texte 327)

* de retrouver tous les traits caractéristiques de la monarchie sacrée et de laisser entrevoir comment le roi peut s’exhausser de la position de bouc émissaire à celle de roi divin et de chef d’État, non par un basculement spectaculaire et mystérieux, mais par un processus morphogénétique intelligible. (texte 327)

* Elle vise seulement à chasser le mal : les forces déclinantes du roi qui, par contagion, peuvent entraîner un déclin général de la société ou les  souillures, répandues dans le groupe, que le roi bouc émissaire emporte avec lui. (texte 327)

* Dans tous les cas, c’est la mise à mort qui confère la royauté, mais elle peut être déplacée sur un bouc émissaire, ou simplement mise en scène, sans exécution, comme dans la plupart des rites d’intronisation. (texte 327)

* Le dernier malentendu porte sur la nature de cette matrice : le meurtre fondateur girardien, quand il n’est pas confondu avec le rite sacrificiel ou celui du bouc émissaire, est souvent assimilé au meurtre du père de la horde primitive. (texte 327)

Citations bouc émissaire texte 326

* outre une édition abrégée par Lady Frazer, en 1924; Le Bouc émissaire, «qui meurt afin de délivrer ses adorateurs des maux de toutes sortes dont ici-bas la vie est assiégée», traduit par Pierre Sayn, 1925 (texte 326)

Citations bouc émissaire texte 325

* Il ne faut privilégier aucun modèle en essayant d’y intégrer les autres, ni davantage adopter la position inverse qui refuse de voir dans les systèmes sacrificiels des systèmes d’idées et fait appel, à la manière de René Girard, à une théorie psychologique univers elle, celle du bouc émissaire, qui, sous une forme plus ou moins abâtardie, se retrouverait dans tous les types de sacrifice. Non que l’idée de bouc émissaire soit toujours à écarter et Girard ne dit là rien de plus que ce qu’avait déjà vu Frazer mais qui semble avoir été oublié. Son erreur, comme le dit excellemment de Heusch, est de réduire « toutes les formes du sacrifice à la théorie de la victime sans jamais s’interroger sur la place exacte de cette idéologie à l’intérieur du champ du religieux » (p. 37). (texte 325)

* Comme l’a fait remarquer récemment Michel Izard (1983a ; 1983b), les interprétations de Frazer oscillent entre la théorie du bouc émissaire et celle du meurtre du roi vu comme Dieu — ou un Dieu — sur terre qu’il faut toujours garder dans un état de perfection, et qui doit disparaître lorsqu’il n’est plus dans cet état, de peur qu’en raison de son homologie avec le royaume celui-ci ne périclite également.  (texte 325)

* C’est sur cette mort du souverain ainsi que sur les transgressions de l’ordre social qu’il doit commettre lors de son intronisation — caractéristique très importante retenue aussi par de Heusch — que René Girard (1972) se base pour interpréter le roi sacré en terme de bouc émissaire, interprétation que de Heusch récuse vivement.  (texte 325)

* Celui-ci tué, l’agressivité disparaît et l’unité est immédiatement restaurée grâce à cette victime émissaire qui, paradoxalement, de cause de la division devient facteur d’unité et de cohésion de par son élimination violente qui apaise les esprits. Les rites ne feraient en somme que répéter cet acte primordial dont Girard tente de retrouver les traces partout. Qu’on utilise des boucs émissaires dans beaucoup de rites, Frazer nous l’avait déjà appris mais il s’était bien gardé d’en faire dériver toute la sphère du religieux et du politique. (texte 325)
* Ce thème du bouc émissaire sert d’explication aux royautés africaines, si l’on suit Girard. Ces sociétés fabriqueraient des boucs émissaires, vus par définition comme bons et mauvais à la fois, créateurs et responsables de troubles divers mais en même temps remèdes à ces troubles lorsqu’on les fait disparaître.  (texte 325)

* On fabrique donc un bouc émissaire en lui faisant transgresser les tabous les plus graves de la société, quitte à le sacrifier lorsque tout va mal, ce sacrifice ramenant l’ordre par l’élimination du coupable.  (texte 325)

* De Heusch choisit d’examiner le cas des Swazi pour expliquer la mort du souverain ; elle a lieu par procuration chaque année lors du rite ncwala où le roi est sacrifié sous la forme d’un bœuf. Mais de Heusch ne pense pas que le roi soit ici un bouc émissaire, comme le voudrait Girard, et surtout qu’on puisse affirmer que la figure royale ait été fabriquée pour ce seul propos. (texte 325)

* Affirmer que le souverain est divinisé parce qu’il est un bouc émissaire débarrassant la nation de ses pulsions violentes, c’est renverser les données du problème » (p. 170). (texte 325)
* Dans le présent ouvrage, il se penche particulièrement sur les diverses modalités du sacrifice du roi, qui sont nombreuses, pour démontrer qu’elles ne sont pas toutes, loin de là, réductibles à celle d’un bouc émissaire.  (texte 325)

* Il prend exclusivement ce qui se rapporte au bouc émissaire et conclut que c’est le sacrifice originel d’où dérivent tous les autres. C’est délibérément se placer dans une perspective historique, voire génétique, qui subordonne les autres sacrifices à ce sacrifice primordial. (texte 325)

* Cependant, de Heusch (1982a) concède tout de même à son adversaire l’intérêt des pages que celui-ci consacre, dans La Violence et le sacré, au roi, être de la transgression et victime sacrificielle en puissance. C’est donc de la place du bouc émissaire dont il est question et l’on peut dire, en forçant un peu la note, que là où Girard voit des boucs émissaires partout, de Heusch voudrait bien n’en voir aucun. Mais comme de Heusch est trop au fait des données ethnographiques pour ne pas remarquer que le roi est aussi un bouc émissaire dans bien des cas, il assigne à cette fonction un rôle dérivé alors que Girard voit, à l’inverse, les autres sacrifices royaux comme des dérivations.  (texte 325)

* On ne peut ici rien prouver dans un sens comme dans l’autre car Girard fait découler du bouc émissaire toute la symbolique alors que de Heusch fait dériver l’aspect bouc émissaire du roi de la symbolique globale de la royauté sacrée.  (texte 325)

Citations bouc émissaire texte 323

* L’expression « bouc émissaire » a trois significations qu’il importe de ne pas confondre. (texte 323)

* La première, la plus ancienne, traduit le terme hébreu qui, dans le chapitre 16 du Lévitique, désigne la victime d’un rite très ancien, le rite du bouc  émissaire.(texte 323)

* Pour se débarrasser de ceux-ci, il ne restait plus qu’à chasser l’animal dans le désert, à faire de lui le bouc émissaire.(texte 323)

* L’anthropologue qui le premier a repéré l’universalité de ces rites, c’est Frazer, dans Le rameau d’or (1890). Il leur a donné à tous la même étiquette : rites de bouc émissaire. Cette généralisation du rite hébreu est légitime dans la mesure où l’on n’en conclut pas, comme on le fait parfois, que ces rites ont quelque chose de spécifiquement biblique.(texte 323)

* On pourrait aussi bien dire « rites de pharmakos », c’est-à-dire recourir au bouc émissaire grec plutôt qu’à l’hébreu.(texte 323)

* La troisième signification de « bouc émissaire » apparaît dans les langues occidentales au début de l’ère moderne. En français, comme en anglais, en italien, etc., on entend le plus souvent par « bouc émissaire » la victime d’une hostilité qui affecte une communauté entière contre un individu ou un groupe d’individus innocents, non-pertinents. Plus une communauté est perturbée, plus elle tend à décharger son angoisse contre des boucs émissaires dans ce troisième sens.(texte 323)

* Pour comprendre les religions archaïques, il faut relier sans les confondre les trois significations de «bouc émissaire».(texte 323)

* Les dictionnaires qualifient de « dérivé » le sens moderne de « bouc émissaire », par opposition au bouc du Lévitique qui serait « le sens propre ».(texte 323)

* Nous percevons mieux cette tendance que nos ancêtres et c’est pourquoi nous n’auréolons plus nos boucs émissaires de religieux.(texte 323)

* Dans notre monde, les traits désagréables du bouc contribuent de toute évidence au succès de l’expression « bouc émissaire ». Nous comprenons aisément qu’un animal aussi rébarbatif, même s’il ne « mérite pas d’être persécuté », puisse faire l’objet d’un transfert hostile.(texte 323)

* Le troisième sens de « bouc émissaire », le sens psychosocial, permet d’expliquer les deux autres et par conséquent d’attribuer aux religions archaïques une fonction réelle.(texte 323)

* Les dictionnaires définissent le sens moderne de « bouc émissaire », notre troisième sens, comme « dérivé » ou « métaphorique ». J’y vois au contraire le sens premier et fondamental, le phénomène psychosocial universellement humain qui permet de comprendre les deux autres sens.(texte 323)

* Ce troisième sens apparaît très tard et il témoigne d’une compréhension supérieure parmi nous de ce que signifient les rites de bouc émissaire.(texte 323)

* Les phénomènes de bouc émissaire sont d’autant plus efficaces qu’ils sont moins compris.(texte 323)

* L’unanimité contre le bouc émissaire réconciliait la communauté et passait pour un don de la victime elle-même, perçue comme responsable non seulement des désordres qui justifiaient sa mise à mort, mais du retour à la tranquillité procuré, croyait-on, par le bon vouloir de cette même victime.(texte 323)

* Le bouc émissaire spontané semblait tout-puissant pour le bien comme pour le mal.(texte 323)

* Les boucs émissaires très efficaces étaient finalement divinisés.(texte 323)

* Le passage du temps entraînait une « usure » des rites qui aboutissait à une nouvelle crise violente, susceptible de déboucher spontanément, elle aussi, sur un phénomène de bouc émissaire très puissant, un nouveau modèle pour un système sacrificiel efficace parce que renouvelé, jusqu’au moment, bien entendu, où lui aussi perdait cette efficacité initiale et dégénérait en pure routine.(texte 323)

* La théorie du bouc émissaire fondateur confère au sacrifice, et au religieux dans son ensemble, la fonction que l’ancienne anthropologie n’a jamais réussi à découvrir, mais qui n’en est pas moins réelle: il évacue la violence potentiellement fatale que produisent les rapports humains au sein de  toutes les communautés.(texte 323)

* Jésus est crucifié par l’autorité impériale, d’accord avec les autorités religieuses, appuyées par une foule avide de mise à mort. Tout ce monde-là est en appétit de bouc émissaire. Et, exactement comme dans les mythes fondateurs, la victime, après sa mort, révèle sa propre divinité.(texte 323)

* Dans le contexte de notre réflexion, il est facile de vérifier que Jésus, lui aussi, meurt en qualité de «bouc émissaire». Tous les incidents de la Passion rendent cette définition plus manifeste encore que dans les mythes.(texte 323)

* Quand je dis bouc émissaire à propos de Jésus, j’entends cette expression bien entendu au sens moderne, au sens psychosocial, celui que j’ai défini en dernier lieu et qu’il faut se garder de confondre avec le rite du Lévitique, comme le font toujours les théologiens qui condamnent ma thèse mécaniquement, sans comprendre en quoi elle consiste.(texte 323)

* L’expression «bouc émissaire » n’apparaît jamais, bien sûr, dans le Nouveau Testament. Il y en a une autre, cependant, qui la remplace très avantageusement, une formule plus touchante et plus respectueuse, mais qui dit explicitement, cette fois, l’innocence de la victime sacrifiée, et c’est l’expression « agneau de Dieu ». Jésus est le bouc émissaire le plus touchant, le plus innocent qui fut jamais.(texte 323)

* Cette phrase énonce le calcul sacrificiel qui justifie la mort de tous les boucs émissaires : « Il vaut mieux qu’un seul homme meure et que le peuple soit sauvé» (Jn 11,50-51). Le sens de cette formule va évidemment au-delà de la signification seulement politique
que le grand-prêtre lui attribue. À la différence des mythes qui déroulent le scénario victimaire sans jamais faire la moindre allusion à la nature et à la fonction des victimes de rechange, les évangiles suggèrent tous que Jésus est bouc émissaire au sens moderne, au sens de la victime qui « paie pour tous les autres », comme l’affirment nos dictionnaires.(texte 323)

* Si les boucs émissaires sont plus visibles encore dans les évangiles que dans les mythes, ne sommes-nous pas obligés d’accepter le verdict de l’anthropologie et de considérer toutes les religions dont nous parlons ici comme équivalentes ?(texte 323)

* Si Jésus est un bouc émissaire comme tous les autres, nous tenons, peut-être, dans cette définition commune, la preuve certaine que ses prétentions à détenir à lui seul la vérité doit être rejetée. Si Jésus, lui aussi, est un bouc émissaire divinisé, qu’est-ce qui peut encore le distinguer tous les autres boucs émissaires divinisés que sont les dieux archaïques ?(texte 323)

* Rien, semble-t-il, ne peut distinguer Jésus des autres dieux boucs émissaires. Il est même plus bouc émissaire encore que tous les autres.(texte 323)

* Les évangiles ne se contentent pas de démontrer la chose en déroulant devant nos yeux la vie et la mort du dieu crucifié, mais ils assortissent ce récit de toutes sortes de formules et de déclarations qui précisent et confirment explicitement son statut de bouc émissaire, et cela les religions archaïques ne le font jamais.(texte 323)

* Pour dégager le bouc émissaire dans le cas des dieux archaïques, il faut analyser les mythes de façon « soupçonneuse ». Les dieux archaïques sont bien des boucs émissaires, mais leurs mythes fondateurs ne confirment jamais expressément la chose.(texte 323)

* De même que la Passion, les grands drames bibliques contredisent systématiquement les apparences qui résultent des phénomènes de bouc émissaire, à savoir la culpabilité des victimes. Au lieu de se joindre à la persécution universelle, comme le font les mythes, les grands drames bibliques et évangéliques dénoncent les persécuteurs.(texte 323)

* Dans la Bible, la réhabilitation des boucs émissaires commence avec le premier meurtre de l’histoire humaine, celui d’Abel.

* Le judéo-chrétien est le seul à dénoncer l’illusion de la victime coupable sur laquelle reposent les religions archaïques, l’illusion du bouc émissaire. Celle-ci structure les mythes bien évidemment et c’est ce que l’anthropologie moderne ne parvient pas à repérer.
* Le mécanisme du bouc émissaire, c’est la contagion mimétique qui, dans les périodes de trouble peut soudain rassembler une communauté entière contre une victime innocente, et plus personne alors ne reconnaît cette innocence.(texte 323)

* Dans les mythes, le processus collectif du bouc émissaire structure le texte et par conséquent reste caché. Le résultat est très utile à la société qui se réconcilie contre la victime, mais très mauvais pour la vérité et pour la justice, puisque la victime, en réalité, est innocente.(texte 323)

* Le mécanisme de bouc émissaire se caractérise essentiellement par son inconscience.(texte 323)

* Avoir un bouc émissaire, c’est ne pas savoir qu’on l’a, c’est le prendre pour un authentique coupable : c’est ce que font les mythes.(texte 323)

* Comprendre qu’on a un bouc émissaire, c’est tomber de son propre piédestal, c’est reconnaître sa propre participation à l’injustice que les univers mythiques ne parviennent pas à repérer.(texte 323)

* Le processus du bouc émissaire ne devient thème que dans la Bible et les évangiles, et c’est là seulement que le mensonge des mythes apparaît.

* Sans Jésus, nous ne saurions jamais qu’il y a des boucs émissaires; nous resterions prisonniers de la structure victimaire.(texte 323)

* Si les mythes ne parlent jamais du phénomène de bouc émissaire, c’est parce qu’ils reposent sur lui.(texte 323)

* La formule la plus étonnante dans les évangiles est celle qui nous est proposée par Jésus lui-même avant sa Passion. Elle illumine la fonction majeure du bouc émissaire, son rôle non seulement réparateur dans les sociétés humaines, mais proprement fondateur : la pierre rejetée par les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle (Mc 12,10 et par.).(texte 323)

* La réponse est en route depuis deux mille ans et voici qu’elle devient manifeste : c’est une définition du bouc émissaire et de son rôle fondateur dans les communautés humaines.(texte 323)

* La réponse est en route depuis deux mille ans et voici qu’elle devient manifeste : c’est une définition du bouc émissaire et de son rôle fondateur dans les communautés humaines.(texte 323)

* Ce que Nietzsche ne voit pas, c’est que toutes les victimes religieuses sont des boucs émissaires, autrement dit des innocents
confondus avec des coupables. Il ne voit pas que le judéo-chrétien répudie et démystifie les phénomènes de violence collective que lui, Nietzsche, ne peut pas repérer. Il n’a jamais découvert le mécanisme du bouc émissaire.(texte 323)

* Seuls le judaïsme et le christianisme révèlent la vérité réservée à la véritable élite, l’innocence des boucs émissaires.(texte 323)

* Pourquoi existe-t-il une tradition religieuse, et une seulement, qui, prenant le contre-pied des foules polarisées contre leurs boucs émissaires, défend l’innocence des boucs émissaires contre la violence aveugle des foules ?(texte 323)

* Le sens le plus ancien du mot Satan, sans doute, c’est l’accusateur mensonger, le calomniateur qui transforme des innocents en faux coupables, en boucs émissaires.(texte 323)

Citations bouc émissaire texte 322

* Un brouhaha nous annonce, si j’en crois mon programme, que s’approche un autre groupe folklorique grec : Delphousa. Des êtres contrefaits, bossus, boiteux, aveugles, tordus, noirauds à souhait sont chassés à coup de fouet par les kouroï, les garçons de la cité. Ces bannis sont les pharmakos, les boucs émissaires que l’on chassait de Telphousa-Delphes le premier jour des fêtes des Thargélies.(texte 322)

Citations bouc émissaire texte 321

* au bestiaire apotropaïque appartient la locution imagée et commune « bouc émissaire », héritée du judaïsme, via le christianisme. (texte 321)

* Le bouc émissaire était appelé « azazel » en hébreu, appellation consciencieusement répertoriée dans le Dictionnaire national de Bescherelle (1856) et dans le Littré (1863-1877). (texte 321)

* d’autres langues européennes usent d’appellations semblables à référent ovin en raison d’une culture chrétienne commune et séculaire : scapegoat en anglais), Sündenbock (en allemand), zondebok (en néerlandais), chivo expiatorio (en espagnol), capro espiatorio (en italien), bode expiatorio (en portugais).  (texte 321)

* Quant au rite du pharmakos, il était l’équivalent de celui du bouc émissaire pour le judaïsme primitif.  (texte 321)

* au XVIIe siècle, la traduction de la Bible, dirigée par Le Maistre de Sacy, proposait « hostie » pour désigner le bouc émissaire : « [le grand prêtre] mettra la main sur la tête de l’hostie, et elle sera reçue de dieu et lui servira d’expiation » (Le Lévitique, I, 4).  (texte 321)

* Cette réalité se reflète dans le lexique. Whipping-boy (du verbe anglais to whip, « fouetter ») se traduit tantôt par « souffre-douleur », tantôt par « bouc émissaire ». Semblablement, l’allemand Prügelknabe (« souffre-douleur ») se décompose en Prügel (« coup ») et Knabe (« garçon »).  (texte 321)

* Pour retrouver les boucs émissaires, les souffre-douleur et les têtes de turc, les directeurs du présent ouvrage ont retenu quatre  entrées. La première s’attache aux victimes singulières, la deuxième au figures collectives, la troisième aux transpositions littéraires et enfin la dernière aux processus.  (texte 321)
* Le rejet de l’autre, à partir duquel se forge souvent une identité sociale, s’inscrit généralement dans un processus de cimentation sociale, qui ne varie pas fondamentalement, que la victime soit individuelle ou collective, qu’elle soit bouc émissaire, souffre-douleur ou tête de turc.  (texte 321)

* C’est ainsi que le devin-guérisseur dans les sociétés ritualisées des hauts plateaux malgaches a pour mission de détourner toute violence malfaisante sur un  objet bouc émissaire (Delphine Burguet).  (texte 321)

* Le cinéma classique américain a fait ainsi de la figure du faux coupable un archétype du bouc émissaire. Fritz Lang et alfred Hitchcock, dans certains de leurs films, ont cherché tout particulièrement à démontrer le mécanisme de victimisation qui a pu toucher la population immigrée aux États-unis (Chloé Delaporte).  (texte 321)

* Sophie Jehel, pour sa part, pose la question de savoir si a contrario la téléréalité n’est pas une instance médiatique autoritaire, susceptible de créer de nouvelles habitudes mentales chez les spectateurs, et de fabriquer des boucs émissaires.  (texte 321)

Citations bouc émissaire texte 320

* C’est là, en effet, l’apport principal de ce travail qui défend l’idée selon laquelle les sociétés libérales sont moins « modernes » qu’elles le prétendent, comme cela est perceptible à travers le décalage entre la violence symbolique faite au « dirigeant-bouc-émissaire » et l’impression que la justice a été dite dans le dossier. (texte 320)

* Des boucs émissaires sont alors sacrifiés sur l’autel de la justice, ce qui permet, certes, de ramener un semblant de la calme à l’intérieur du dossier, mais ce qui ne règle en rien le problème de la juste rémunération des dirigeants (3.2). (texte 320)

* J’étais donc dans la situation du bouc émissaire idéal, et les chiens s’en sont donné à coeur joie. » (Philippe Jaffré, Le Monde, 23/01/2002, nous soulignons).(texte 320)

* Aussi, ce dernier a eu le mot juste lorsque, dans cette perspective, il prétendit être « dans la situation du bouc émissaire idéal ». (texte 320)

* Car c’est bien de cela dont il s’agit, le fait que les boucs-émissaires en question n’apparaissent que sous une forme « abâtardie » par rapport à la théorie girardienne n’empêchant pas la mécanique du bouc-émissaire de rester largement opératoire à l’intérieur de notre dossier :…(texte 320)

* Comme toujours en temps de crise, la recherche (et surtout l’identification) de responsables est au coeur des débats. Elle permet de désigner à la vindicte publique des individus ou des catégories d’individus bien précis ; idéal pour se dédouaner sur quelques boucs émissaires.(texte 320)

* Car, in fine, l’efficacité de ce transfert collectif, qui voit les acteurs abandonner leur désir de justice au profit d’une demande de réparation assumée par un bouc-émissaire, suffit à modérer leur sentiment d’injustice et à sauvegarder l’unité du groupe social, comme cela est clairement indiqué dans l’extrait que nous avons retenu ci-dessus. (texte 320)

* Comme un symptôme, c’est ainsi que Pierre Bilger, ex-PDG d’Alstom, fit le choix de rendre son parachute doré afin ne pas être un « objet de scandale » et « un nouveau Jean-Marie Messier », soit un bouc émissaire sur lequel les acteurs auraient pu déposer la
violence née de leur sentiment d’injustice :… (texte 320)

* En effet, par rapport à la théorie girardienne du bouc-émissaire, cela permet de faire écho à cette idée force selon laquelle l’unité des accusateurs est toujours fondée sur une forme de méconnaissance de leur part, celle qui, précisément, fait de l’individu accusé non pas un « bouc-émissaire » à leurs yeux, mais un coupable réel qui mérite la punition qu’ils cherchent à lui infliger : « pour avoir un bouc-émissaire, il faut ne pas voir la vérité, et donc ne pas se représenter la victime comme un bouc-émissaire, mais comme un homme justement condamné » (Girard, 2004, pp. 89-90).(texte 320)

* En effet, si tel n’est plus le cas, c’est qu’il existe un risque que l’unanimité violente se défasse et, avec elle, l’efficace d’un mécanisme qui deviendrait par-là même inopérant, expliquant par là-même qu’il faille de plus en plus de bouc-émissaires pour nourrir l’impression que la justice peut être dite dans notre dossier :…(texte 320)
* Il écrit ainsi la chose suivante : « Œdipe est un bouc-émissaire réussi, parce que toujours méconnu en tant que tel. Job est un bouc-émissaire manqué. Il détraque la mythologie qui devait le dévorer en maintenant son point de vue face à l’unanimité formidable qui se referme sur lui. En restant fidèle à sa vérité de victime, Job est vraiment ce héros de la connaissance qu’Œdipe n’est pas mais passe pour être aux yeux de la tradition philosophique » (Girard, 1985, p. 45).(texte 320)

* La « trouille » et/ou la « nostalgie » des dirigeants contemporains se présentent comme autant de symboles de ce phénomène qui, à suivre les analyses de René Girard, serait caractéristique d’une société en proie à une violence collective d’autant plus difficile à canaliser que le « règne de l’Opinion » tend à déchaîner la mécanique du bouc-émissaire.(texte 320)

* « « Ça soulage de trouver des boucs émissaires mais je suis dubitative sur la capacité qu’on peut avoir à isoler des responsables, à repérer la part d’erreur d’appréciation de chacun », estime Laurence Parisot, qui a rencontré le président hier à l’Elysée. » (Les Echos, 25/09/2008, nous soulignons).(texte 320)

* À cet égard, il est assez intéressant de remarquer que Laurence Parisot condamne la logique du bouc-émissaire après avoir montré ci-dessus qu’elle y contribuait elle-même en renvoyant l’existence de la controverse publique à quelques rares cas de
pratiques scandaleuses. (texte 320)

* Car si la mécanique du bouc-émissaire éteint la « demande de justice », elle ne règle pas, pour autant, ce qui fait le fond du problème : l’impossible définition de cette justice dans un cadre libéral. (texte 320)

* Paradoxalement, c’est ainsi qu’en cherchant à faire advenir cette justice qu’ils désirent tant, les acteurs de la controverse contribuent à créer comme de nouvelles injustices, la réconciliation promise par le libéralisme se faisant dans l’élimination régulière de dirigeants qui jouent le rôle de bouc-émissaires.(texte 320)

* Comme René Girard l’a montré, que le bouc émissaire soit innocent ou coupable n’a pas d’importance ici. (texte 320)

* Cela afin de mettre en résonance ce « projet » avec la violence qui est faite au « dirigeant-bouc-émissaire » pour maintenir l’idéal de justice, phénomène qui trahit l’incapacité de la société libérale à assurer et assumer les conditions de la modernité qui la fonde (section 2).(texte 320)

* En effet, ce phénomène montre que, loin d’être une paisible « utopie », cette société est traversée par des formes de violence intrinsèquement construites, comme celle qui est faite à ces dirigeants qui jouent le rôle de bouc-émissaires dans la crise de justification de la rémunération. (texte 320)

* La traductrice française de la « Théorie de la justice » de Rawls mettait ainsi le doigt sur un problème qui trouve une très bonne illustration dans notre dossier : dans un contexte de crise de justification de la rémunération des dirigeants, certains dirigeants jouent le rôle de la victime émissaire sur laquelle les acteurs de la controverse desservent régulièrement la violence engendrée par le sentiment d’injustice qu’ils ressentent de manière latente. (texte 320)

* Car bien que cette violence faite au « dirigeant-bouc-émissaire » soit plus diffuse que celle qui s’exerçait dans le cadre des sociétés dites « archaïques », à l’intérieur desquelles le sacrifice donnait souvent lieu à un meurtre collectif avant de se voir « ritualisé », elle n’en est pas moins bien réelle. (texte 320)

* En d’autres termes, leurs « différences » ne cachent pas l’invariant, à savoir cet « invariant énigmatique de toutes les cultures humaines » (Guillebaud, 2007, p. 241) qu’est le sacrifice du bouc-émissaire, entendu comme ce processus à travers lequel les sociétés humaines sont capables de refonder l’unité d’un groupe mise en péril par des germes de dissension partout répandus.(texte 320)

* Ce qui revient à dire que si scandale il y a en matière de rémunération des dirigeants, c’est que la « charge passionnelle » et l’« énergie conflictuelle » qui naissent du sentiment d’injustice ne trouvent à se résorber que dans la désignation de certains bouc-émissaires, sans lesquels les individus ne pourraient collectivement plus croire en la justice (chapitre 5).(texte 320)

* Sur la question de la rémunération des dirigeants, nous manquons cependant de recul historique pour apprécier, sur ce point précis de la transformation du bouc-émissaire en sacré, l’éventuelle concordance avec la thèse de René Girard. (texte 320)

Citations bouc émissaire texte 319

* Or cet essentiel, selon lui, c’est le religieux à l’origine des institutions, le sacré – thèse durkheimienne donc – et ce qu’il ajoute aux durkheimiens, le lien du sacré à la violence, le mécanisme du bouc émissaire, sa substitution par les systèmes sacrificiels, l’origine de la violence dans le désir mimétique et triangulaire. (texte 319)

* Le mécanisme émissaire, qui ne se laisse pas déduire des comportements linguistiques, n’opère pas que dans le symbolique, mais à l’occasion dans le réel, par l’exclusion réelle d’un membre du groupe.  (texte 319)

* Pour Girard, dans la Violence et le sacré, le mythe d’Œdipe, tel qu’on peut le reconstituer à travers les deux tragédies de Sophocle, illustre les deux phases du destin d’un roi devenu bouc émissaire, ou plutôt redevenu, révélant ainsi l’origine de la royauté dans les pharmakoi.  (texte 319)

* Elles se jouent dans une histoire réelle, où les différences gardent la trace d’une violence fondatrice dont on est sorti par l’expulsion ou la mise à mort de boucs émissaires dont les images ont été réinjectées dans le groupe comme des forces plus ou moins méconnaissables, ambiguës, bienfaisantes ou malfaisantes, objets de sentiments ambivalents de crainte et de respect, donc sacrées, qui ont permis la stabilisation de ces groupes autour des rituels sacrificiels et des systèmes de tabou. (texte 319)

* En tout cas, l’autosacrifice représente une pratique sophistiquée par rapport au modèle girardien du bouc émissaire et de la victime qui en est le substitut rituel.  (texte 319)

* Éloigner le côté négatif d’une force ambiguë mais nécessaire pour la maîtriser en lui soutirant l’élément positif dont elle est porteuse, c’est ce que j’ai appelé la fonction pharmakologique du religieux, en l’honneur du bouc émissaire, pharmakos, qui en est la première occasion. (texte 319)

* Dans le rapport complexe et si calculé avec les Durkheimiens dont j’ai relevé, mais non épuisé, la haute stratégie, il sacrifie Durkheim et élit Mauss, pour mieux rompre avec l’anthropologie d’avant-guerre et congédier, avec l’évolutionnisme, sa problématique trop religieuse, incarnée dans l’ « inventeur » des boucs émissaires, Frazer lui-même ce qui fait d’une pierre plusieurs coups.  (texte 319)

Citations bouc émissaire texte 317

* Les hommes, qui ne peuvent se réconcilier qu’aux dépens d’un tiers, se protègent de ce danger en pratiquant les rites sacrificiels,
qui sont le lointain rappel mimétique d’un meurtre fondateur, dont la « méconnaissance » doit être protégée pour qu’existe le rite.
Celui-ci fait choisir et sacrifier une victime émissaire, qui devient rituelle, et dont la mort rétablit l’ordre en faisant l’unanimité. (texte 317)

* Ce rituel suppose deux substitutions : celle, jamais perçue, «de tous les membres de la communauté à un seul », qui constitue
le «mécanisme de la victime émissaire » ; celle, proprement rituelle, qui substitue à la victime originelle une victime appartenant à une catégorie sacrifiable. «La victime émissaire est intérieure à la communauté, la victime rituelle est extérieure, et il faut bien qu’elle le soit puisque le mécanisme de l’unanimité ne joue pas automatiquement en sa faveur », écrit Girard (p. 154).(texte 317)

* Le rite figure et revit cette métamorphose, perpétuant le mécanisme de la victime émissaire par la commémoration de l’origine meurtrière fondatrice. (texte 317)

* Bernard Lempert intitule un de ses chapitres «Où l’on retrouve le bouc émissaire ». Il y distingue trois temps – trois opérations transférentielles – dans la transformation historique du bouc émissaire :…(texte 317)

* le transfert de la culpabilité dans la collectivité : dans cette version moderne du bouc émissaire, qui rend un peuple coupable de vivre, le transfert sombre dans l’inconscience de la projection.(texte 317)

Citations bouc émissaire texte 316

* Enfin, la révélation judéo-chrétienne du mécanisme victimaire met fin au sacrifice ritualisé des boucs émissaires … mais, en privant l’humanité de ce moyen pour apaiser les rivalités violentes, elle risque de déchaîner des violences encore plus terribles et de
multiplier les lynchages spontanés de boucs émissaires. (texte 316)

* Selon lui, le désir mimétique est à l’origine d’un alliage aussi ancien que l’humanité, un vortex terrible qui lie la violence et le sacré dans une escalade secrète (le sacré camouflant la violence), terrible et même suicidaire, dont nous ne pouvons nous arracher que d’une seule façon : en réduisant la violence, à intervalles réguliers, par une focalisation sur un bouc émissaire, qui prend sur lui toute la violence avant de disparaître. (texte 316)

* La réponse de René Girard est sans équivoque : en retournant la violence collective née d’une crise paroxystique des différences sur un seul, la victime émissaire et en investissant cette dernière, à la fois de la responsabilité de la crise et de sa résolution, créant ainsi l’ambivalence du sacré. (texte 316)

* En cela, Le Bouc émissaire qui, pour beaucoup, a été le point d’entrée dans l’œuvre de René Girard, me paraît être un livre susceptible de faire passer le lecteur à côté de l’essentiel si l’on commence par lui. (texte 316)

Citations bouc émissaire texte 315

* On pourrait même établir, à partir des données recueillies par Lévi-Strauss, que le prêtre est une transformation du sorcier, comme le dieu est une transformation de la victime émissaire dans le modèle morphogénétique du sacré proposé par Girard. (texte 315)

* À l’inverse, la crise est résolue par le retour d’un tiers objet, la victime émissaire, d’abord unanimement exécrée, puis mise à mort
collectivement, enfin divinisée, c’est-à-dire mise à distance et inspirant un respect sacré à la collectivité ainsi réconciliée. (texte 315)

* Le premier mot serait le cri désignant et exécrant la victime émissaire, et l’archétype de tout symbole autonome, parce qu’extérieur à tous, le cadavre de la victime entouré par la horde de ses meurtriers.(texte 315)

* À l’inverse, la crise est résolue par le retour d’un tiers objet, la victime émissaire, d’abord unanimement exécrée, puis mise à mort
collectivement, enfin divinisée, c’est-à-dire mise à distance et inspirant un respect sacré à la collectivité ainsi réconciliée. (texte 315)

* Le triomphe du structuralisme dans les années 1960-1970 offre le contexte immédiat de la réaction de René Girard, qui entend réaffirmer la réalité objective du sacré, fondée sur le mécanisme du bouc émissaire et maintenue par les pratiques sacrificielles. (texte 315)

Citations bouc émissaire texte 313

* À partir de là, l’intime conviction de Pontius Pilatus est faite : innocent, le prévenu est un bouc émissaire.  (texte 313)

* Elle malmène la relation entre le collaborateur et le responsable hiérarchique qui devient, sous la pression de la déception, le bouc émissaire de toutes les souffrances, de tous les suicides, avec la complicité coupable des media d’information.  (texte 313)

* Aucune époque, aucune organisation n’est parvenue à gérer la déception humaine de façon satisfaisante, sans devoir procéder à cette « danse macabre » qui s’accompagne, au mieux du massacre d’un seul bouc émissaire, au pire du massacre de millions de personnes en chair et en os.  (texte 313)

Citations bouc émissaire texte 309

Ces mesures individuelles et sociales pourraient avoir un effet thérapeutique par l’interruption de l’enchaînement généralement fatidique qui fait de l’enfant battu le bouc émissaire d’une vengeance contra-oedipienne différée, après coup, ou coups en quelque sorte !  (texte 309)

Citations bouc émissaire texte 308

* rupture avec la société.: le racisme ambiant crée un climat d’insécurité profonde et douloureuse : « Bouc émissaire [le jeune immigré] est sur la défensive permanente et va se réfugier dans la maladie ou la révolte pour répondre à cette agression». (texte 308)

Citations bouc émissaire texte 307

Enfin, les auteurs décrivent un système de plaisir familial à partir de l’ attribution des qualités bonnes ou mauvaises aux différents membres de la famille. Ils estiment par exemple que le phénomène du « bouc émissaire » définit bien la position du schizophrène dans la famille.  (texte 307)

2 / les mythes de rédemption ou de disculpation où un membre de la famille est soi-disant à l’origine du malheur. II doit dès lors se désigner comme source des malheurs et se racheter. II devient le bouc émissaire ; (texte 307)

Citations bouc émissaire texte 306

Être menace par le sorcier-anthropophage qui veut la mort par dévoration, incorporation, c’est projeter sur !’autre, le sorcier, son propre désir de mort. Tout individu peut être attaque par le sorcier; tout individu peut être sorcier bien que, dans I’ organisation sociale, seuls certains soient désignés comme sorciers, conformément au processus de la victime émissaire qui protège le groupe contre sa propre agressivité ; (texte 306)

Citations bouc émissaire texte 305

* Le maintien rigide d’un idéal strictement égalitaire peut jouer comme formation réactionnelle de telle sorte que toute inégalité paraît devoir déclencher une lutte fratricide, destructrice du groupe et de tous ses éléments, à moins qu’un exclu ou un élément extérieur ne permette la dérivation de l’hostilité sur un bouc émissaire, véritable pharmakos du groupe (voir R. Girard). (texte 305)

* La référence au sacrifice du traître, bouc émissaire, ne suffit cependant pas, et l’organisation groupale, qui n’est pas fondée sur la loi en référence au père mort, ne peut l’être que sur le maintien des différences dans la ritualisation des rivalités. La dimension sacrificielle s’y retrouve dons le « potlach » ; la dominance d’un groupe sur l’autre est fondée sur le plus grand sacrifice, témoin de la plus grande richesse, ou de la plus grande détermination. (texte 305)

* Le point de vue groupal exige que soient prises en considération les attitudes du groupe, dont les phénomènes de bouc émissaire qui sont fréquents
dans les groupes fraternels ; le mode de réaction masochique de la victime peut sceller son destin, quand les relations fraternelles prennent une importance majeure. Dans de meilleurs cas, la dimension sadomasochique des relations fraternelles peut être élaborée et transposée, par exemple dans la taquinerie lors de l’adolescence (B. Brusset, 1981). (texte 305)

Citations bouc émissaire texte 304

Les petits chroniqueurs à la manque, les faibles, les sans talent, ceux dont les romans ont été refusés partout s’en donnent à cœur joie. Enfin, ils peuvent «varger» sur le méchant, le bouc émissaire. Ils peuvent se défouler. Ils le font avec d’autant plus de mesquinerie qu’ils sont sûrs d’être applaudis par les bien-pensants. Alors, ils y vont allègrement. Ils frappent fort et bas. Ils sont contents d’eux-mêmes. Ils n’ont pas peur. Ils ont le droit pour eux. Ils ont le courage des lâches. Ils hurlent avec le troupeau parce qu’ils n’ont jamais eu la force de faire face à leur solitude, à leur effroi. (texte 304)

Citations bouc émissaire texte 303

* Pour René Girard, ce sont les mythes, « ni de l’imaginaire pur, ni de l’événement pur », qui se forgent à la suite d’une crise mimétique et de sa résolution par l’expulsion violente d’un bouc émissaire. Le mythe ne ment pas délibérément, le compte rendu qu’il donne de la crise sacrificielle
se voit «faussé par l’efficacité même du mécanisme victimaire, mécanisme qu’il nous raconte en toute sincérité mais qui est forcément transfiguré
par ses conteurs qui sont les persécuteurs ». (texte 303)

* Si nous condamnons aujourd’hui ces actes de persécutions, c’est que l’esprit évangélique a opéré, selon Girard, un long travail d’éducation sur les
sociétés chrétiennes. Toutefois, s’il existe un savoir moderne sur les phénomènes du bouc émissaire — chacun pouvant facilement identifier celui des voisins —, on demeure incapable de repérer notre propre violence, celle qui fonde encore aujourd’hui toute communauté humaine. Satan est tombé du ciel, le voile se lève peu à peu sur les fausses transcendances, nous ne sommes plus dupes des subterfuges du mythe. (texte 303)

Citations bouc émissaire texte 302

* Mais dans le contexte des savoirs particuliers qui se disputent l’hégémonie de la connaissance, cela s’appelle une thèse. Celle de ce livre doit faire couler beaucoup d’encre. Il y a de quoi, notons-le sans lésiner sur les mots. Le Bouc émissaire prétend résoudre le problème de l’origine du religieux. C’est beaucoup. Mais ce n’est pas tout. Son analyse met à nu toute la culture dans les rapports occultes que celle-ci continue d’entretenir avec le mécanisme archaïque des stéréotypes de persécution. (texte 302)

* A suivre rigoureusement le discours du Bouc émissaire, il faut penser qu’il n’y a jamais de bourreaux imaginaires. Les victimes n’inventent rien et leur témoignage est la seule vérité du monde de persécuteurs qu’est l’univers humain. L’illusion est toujours du côté des oppresseurs. (texte 302)

* Les boucs émissaires ne guérissent, certes, ni les vraies épidémies, ni les sécheresses, ni les inondations. Mais la dimension principale de toute crise, je l’ai dit, c’est la façon dont elle affecte les rapports humains. Un processus de mauvaise réciprocité s’amorce qui se nourrit de lui-même et  n’a pas besoin de causes extérieures pour se perpétuer. Tant que les causes extérieures persistent, une épidémie de peste par exemple, les boucs émissaires n’auront pas d’efficacité. Que ces causes cessent de jouer, en revanche, et le premier bouc émissaire venu mettra le point final à la crise en liquidant ses séquelles interpersonnelles par la projection de toute malfaisance sur la victime. Le bouc émissaire n’agit que sur les rapports humains détraqués par la crise mais il donnera l’impression d’agir également sur les causes extérieures, les pestes, les sécheresses et autres calamités objectives, (p. 65) (texte 302)

Citations bouc émissaire texte 301

* La théorie mimétique gravite donc autour de deux pivots anthropologiques fondamentaux : le mimétisme et le mécanisme du bouc émissaire. L’être humain est fondamentalement mimétique, positivement et négativement. Il apprend en imitant et son désir est lié au désir de l’autre; ce qui l’amène à vouloir s’approprier le même objet que l’autre. En certaines circonstances, quasi inévitables, cette rivalité mimétique s’accélère et s’accentue au point de conduire à la violence collective et meurtrière. (texte 301)

* Affirmer que Satan est « le prince de ce monde » équivaut à affirmer que « ce monde » est fondé sur l’illusion la plus mensongère et la plus perverse, « le meurtre unanime et spontané d’un bouc émissaire » (GIRARD, 1982, p. 263). Se laisser prendre à cette illusion, c’est jouer le jeu du tentateur qui promet de donner tous les royaumes du monde à ceux qui se prosternent devant lui et l’adorent (Mt 4,8-9). (texte 301)

* Dans une perspective girardienne, on pourrait dire que le diabolos est le concept socio-religieux qui représente la réalité mimétique (l’envie, la compétition, la division, l’affrontement…) alors que le Satan renvoie à l’accusation, au mécanisme du bouc émissaire engendré dans la violence sacralisante et à l’ordre du monde fondé sur ce processus. (texte 301)

Citations bouc émissaire texte 299

* Or, il n’est pas rare, dans ces moments d’agitation intense, que l’ensemble des rivalités converge soudainement sur une personne dont l’élimination apparaît alors à la foule comme la seule action capable de régler la crise en cours. Paradoxalement, la liquidation par la foule d’un bouc émissaire, même si elle n’a aucune influence sur la météo ou la progression d’une épidémie, par exemple, peut mettre fin à la dimension sociale de la crise. (texte 299)

* Pour René Girard, les mythes sont le fruit de l’emballement mimétique et de sa conclusion sacrificielle : « […] les mythes racontent des désordres mimétiques réels, des crises contagieuses qui éclatent spontanément au sein de toutes les communautés mais qui, dans l’univers archaïque, grâce aux phénomènes de bouc émissaire qui y mettent fin, engendrent les mythes et les religions » (texte 299)

* L’hypothèse de Girard est-elle fondée? A-t-il raison d’affirmer que la violence collective, ou plus précisément le lynchage d’un bouc émissaire, est l’un des principaux processus générateurs de mythes? Selon moi, l’un des arguments les plus forts pour justifier son hypothèse de recherche est l’étonnante similitude, soulignée par Girard lui-même, entre de fausses accusations ayant mené à des lynchages bien réels, tels les chasses aux sorcières ou les pogroms, et le mythe. (texte 299)

Citations bouc émissaire texte 298

* Alors par où commencer? Plutôt que de dresser une liste de maux, j’ai choisi d’aborder une question seulement: ce que j’ai été amenée à qualifier de phénomène du bouc émissaire.(texte 298)

* Le phénomène est décrit dans le roman de Mark Twain The Prince and the Pauper, dans lequel Tom Canty, déguisé en pauvre, change de vêtements avec le prince de Galles et devient prince pour un temps. Tom apprend qu’un garçon, un bouc émissaire est fouetté chaque fois que le Prince de Galles fait du «travail bâclé et sot». «Whip Thee! dit Tom, étonné / «Why should he whip thee for faults of mine.» / «Ah, your grace forgetteh again. He always scourgeth me, when Thou dost fail in thy lessons». / Lorsque le faux prince de Galles, Tom Canty, promet d’abolir le rôle de bouc émissaire, ce dernier pleure de désespoir, craignant que cela ne provoque sa perte / «My back is my bread, O my gracious liege! If it go idle, I starve. An’ thou cease from study, mine office is gone, thou’lt need no wipping-boy. Do not turn me away!» (texte 298)

* La question n’est pas personnelle, elle est plutôt structurelle. Tout comme le bouc émissaire est affligé des erreurs du prince, les conséquences problématiques des décisions des comités sont complètement assumées par les chercheur(e)s.(texte 298)

* Cette modeste proposition n’abolirait pas l’«institution» des chercheur(e)s comme boucs émissaires mais, au moins, elle ferait porter leurs cris, au moment de la formulation du jugement, à l’attention des personnes qui, de par leurs décisions, produisent des victimes; l’impact exercé par les décideurs deviendrait alors d’autant plus visible. (texte 298)

Citations bouc émissaire texte 297

* Si vous n’aimez pas les thèses de René Girard à propos du mimétisme du désir, des victimes, du bouc émissaire ou du christianisme, alors éloignez-vous de ce livre d’entretiens avec Michel Treguer. René Girard y reprend tout son travail. Plus que jamais la Bible lui sert de référent unique, plus que jamais il avance d’un pas léger vers ses thèses. (texte 297)

* Pour l’essentiel, Girard reprend sa thèse. Quand une société ne va pas, elle cherche un responsable, une victime, un bouc émissaire. Lorsqu’elle l’a trouvé, elle focalise l’attention du peuple sur ce bouc émissaire. Il est coupable, il doit être sacrifié. On sacrifie la victime. Sans même se demander si la culpabilité est là. Cette violence peut se retourner contre tout un peuple. L’Holocauste en est un exemple. Cette violence a pour fonction de contenir la violence. Paradoxe et contradiction. (texte 297)

* C’est justement ce qui aurait fait enrager Nietzsche. Cette philosophie du peut, du pauvre, du droit de la victime. Nietzsche voulait le retour du paganisme, du bouc émissaire. Nietzsche tient le christianisme responsable de notre descente. La démocratie, les droits de tous, c’est la déchéance. Le pauvre ne peut pas être un modèle. (texte 297)

* Que faire du christianisme s’il sauve le monde, mais que le monde ne veut pas être sauvé par lui ? Après tout, les hommes ont expulsé le Christ et sa solution. N’est-il pas le dernier bouc émissaire ? Oui, répond Girard, mais ce Christ est Dieu et homme à la fois. Il nous apprend le pardon, il nous montre une voie que nous ne connaissions pas. Il dit : aimez-vous les uns les autres. Il ne cesse de dénoncer le mensonge qui entoure la victimisation, le mimétisme du désir, la solution de la violence. (texte 297)

Citations bouc émissaire texte 296

* Le bouc émissaire » En finir avec l’« expiation » (texte 296)

* Les associations d’idées qui nous viennent habituellement à l’esprit lorsque nous considérons le récit biblique du bouc émissaire nous font perdre le plus souvent sa dimension la plus pertinente. L’interprétation la plus courante replace le dispositif du bouc émissaire dans son contexte social, c’est-à-dire dans le cadre des rapports humains, en identifiant dans le bouc émissaire l’exutoire votif de la concurrence et de l’angoisse des hommes. (texte 296)

* L’institution du bouc émissaire s’inscrit dans cette procédure de préparation à l’approche de la sainteté et elle concerne tout spécialement le rite du Temple dans lequel se tient la présence divine sur l’Arche d’alliance, dans le Saint des Saints. C’est à cette occasion qu’est institué (16, 29-34) le rite le plus solennel du Temple, le Yom Kippour, seule occasion de l’année rituelle où le grand prêtre pénètre dans le Saint des Saints.(texte 296)

* L’axe de la théorie du bouc émissaire est la kappara. Dans le chapitre 16, le verbe lekapper (qui donne kappara) est employé 16 fois. C’est donc à comprendre cette notion que je consacrerai mon analyse. Mon hypothèse est que la kappara ne concerne pas tant le rachat – et encore moins l’ex-piation (et pas nécessairement la souillure) – des péchés que le rappro­chement d’avec un Dieu caché, invisible et immatériel, dont la vision est mortelle. (texte 296)

* On trouve une explication à cette nécessité dans la raison avancée par le texte des Nombres pour expliquer l’institution dans le concert des douze tribus de la tribu lévitique, elle qui pratique les sacrifices pour Israël et met en œuvre la kappara, elle qui accomplit le rite du bouc émis­saire pour Israël et pour elle aussi. Cette explication met l’accent sur la question du premier-né. (texte 296)

* L’envoi du bouc émissaire vivant crée une intériorité (au-dedans du rideau/mibeit la paro-khete) au sein du campement d’Israël, une intériorité qui, pour se consti­tuer, doit passer par le dehors (le désert de Dieu), ce dehors étant le lieu de la Divinité, de l’étrangeté au sein (betokh) du campement, l’idéal étant que les deux dimensions soient réunies, la complétude étant atteinte par le don. (texte 296)

 Citations bouc émissaire texte 295

* Joël Roman écrit: “En faisant mine de s’inquiéter d’une ‘identité nationale’ qui n’est ni contestée, ni menacée, le gouvernement de Nicolas Sarkozy prend un risque considérable : celui de conforter les peurs, d’attiser les inquiétudes, de figer cette fameuse ‘identité nationale’ autour de critères de comportements ou d’habitudes majoritaires, bref, met en péril cette cohésion même qu’elle prétend conforter. Elle va dégénérer en repli nationaliste, car il faudra des boucs émissaires. Ce sera l’Europe, ce sera l’immigration : pas même seulement l’immigration des nouveaux venus, mais celle des plus anciennement arrivés, cette immigration que plusieurs générations de nationalité française n’ont pas pu effacer car elle porte les stigmates de l’étranger : couleur de peau, langue parfois, religion.” (texte 295)

*Quand on est confronté à un pouvoir qui active les tensions entre les catégories de citoyens  français, on est quand même forcé de penser à la recherche de boucs émissaires telle qu’elle a été pratiquée avant-guerre.” (texte 295)

 Citations bouc émissaire texte 294

 * Quelques mots d’abord, donc, sur ce concept de pharmakon. Dans son célèbre essai sur « La pharmacie de Platon », Derrida s’interroge sur le statut de l’écriture dans le platonisme et plus généralement dans la méta­physique grecque. (texte 294)

* On a comparé le personnage du pharmakos à un bouc-émissaire. Le mal et le dehors, l’expulsion du mal, son exclusion hors du corps (et hors) de la cité, telles sont les deux significations majeures du personnage et de la pratique rituelle (texte 294)

* Tel est le personnage du pharmakos grec : un empoisonneur au sens littéral du mot dont le rôle dans la culture grecque est fondamental, à savoir celui d’être le bouc-émissaire, c’est-à-dire le représentant du mal qui doit être expulsé de la cité et dont l’exclusion consiste en un double mécanisme : tout d’abord, expulser le pharmakos du corps biologique du sujet en tant qu’il symbolise le mal; puis procéder à une expulsion de ce même person­nage du corps politique de la cité qui ne forme plus qu’un avec le corps biologique des citoyens eux-mêmes, lesquels doivent donc se protéger du pharmakos, et ce dans le cadre d’une pratique rituelle qui se révèle être une pratique sacrificielle extrêmement codifiée, dont la finalité ultime est d’immuniser la cité en créant un dedans et un dehors capables de la fortifier et de la régénérer (texte 294)

Citations bouc émissaire texte 293

* Si le « toxicomane » est un cas type mythique, une fiction, quel crédit lui accorder ? La fiction, en effet, est souvent le discours de la vérité. Mais ici, le « toxicomane » ne dit pas la vérité de certains sujets face aux drogues. La vérité qu’il dévoile est celle d’une figure postmoderne du bouc émissaire. Aucune personne réelle n’est « toxi­comane » parce que ce mot désigne ceux qui ont la manie exclusive du poison. Le « toxikon », en grec ancien, c’est le poison dont on enduit les flèches. Or, aucune drogue n’est un pur poison. (texte 293)

* C’est pour toutes ces raisons que j’utiliserai maintenant ce néologisme quand j’essaierai de m’approcher de la clinique. Si le « pharmakomane » est une fiction proche de la réalité des usagers abusifs de drogues (ici, qu’elles soient licites ou pas ne compte pas), le « toxicomane » dit la vérité du bouc émissaire.

* En grec ancien, la drogue et le bouc émissaire porte presque le même nom: l’un est « pharmakon », l’autre « pharmakos ». Les « phar-makos » se sont ceux qui vivent en marge de la cité et qu’on garde pour la bonne bouche, pour les grandes occasions critiques. Quand la cité est malade, quand Thèbes est envahie par la peste, il suffit de trouver le coupable et de lui faire expier le crime. Œdipe ou d’autres moins célèbres feront bien l’affaire. (texte 293)

* Si, comme je le crois, le « toxicomane » est le bouc émissaire, le « pharmakos » de nos usages de drogues, le « pharmakomane » nous apprend aussi à reconnaître une difficulté particulière à notre temps. Celle du sevrage en tant qu’il concerne la séparation d’avec la Mère. (texte 293)

Citations bouc émissaire texte 292

* Le bouc émissaire et le sacrifice. Le bouc émissaire est une anti-peur particulièrement indiquée face aux peurs indéfinies. Par exemple, l’immi­gré qui sera d’autant plus bouc émissaire que la peur qu’il représente est indéterminée, floue (…)  (texte 292)

Citations bouc émissaire texte 291

* Dans une crèche un enfant cristallise sur lui tous les reproches, on pense même à l’exclure. Sur lui, sur sa famille, convergent toutes les critiques ; insupportable, il peut devenir le bouc émissaire, tel un paraton­nerre il « ramasse » tout le négatif d’un groupe ou d’une équipe. Il y a un divorce entre famille et crèche, un risque de rupture irréversible. Il s’agit pourtant d’un phénomène institutionnel, si l’enfant part, un autre prend sa place peu après. (texte 291)

* Des barrières sociales et morales évitent que cette violence-là soit agie, les formations collectives protègent aussi les individus de tels passage à l’acte, mais des « restes » subsistent : la stigmatisation d’un enfant, le phénomène de bouc émissaire témoignent à mon sens de certains échecs de contenance. (texte 291)

* Le mécanisme du « narcissisme des petites différences » peut être envisagé comme un modèle pour comprendre comment les enjeux de différenciation entre accueillants et accueillis amènent les accueillants à prendre comme cibles projectives des personnes, groupes ou institutions très proches d’eux : ce sera la stigmatisation d’un accueilli ou de sa famille avec le phénomène du bouc émissaire, l’intolérance entre deux groupes ou secteurs voisins, deux professions proches, la sourde « lutte » avec l’institution voisine, école, crèche ou garde nourricière. (texte 291)

Citations bouc émissaire texte 290

* Dans Le bouc émissaire il s’agit de lectures de textes bibliques. Le Christ révèle la persécution au cœur de la violence, ce dont les hommes ne se doutent pas. D’où l’étape qui est franchie, selon Girard, avec le christianisme ; point de non-retour. (texte 290)

* Dans les Évangiles les choses ne restent pas cachés, mais sont mis au grand jour. La victime est révélée comme elle est réellement: innocente et impotente, abandonné par la communauté, bouc émissaire des hommes. Ce n’est pas le point de vue des persécuteurs, mais de la victime qui est donnée. La victime est innocente, elle est l’agneau de Dieu. (texte 290)

* Pour Girard le parricide et l’inceste, ces étranges accompagnateurs de la divinité, ne sont pas des désirs enfouis dans le plus obscur recoin du Moi, mais des accusations typiques d’une foule en quête d’un ‘bouc émissaire’.  Derrière le mythe d’Œdipe se cache une chasse à la ‘sorcière’.  Tout comme les chasseurs de sorcières qui croient réellement à la culpabilité de la femme accusée par tous (« c’est elle qui a gâché les récoltes »), le Thébain croit réellement que c’est le boiteux qui a apporté la peste. Pourquoi? Parce que tout le monde le croit, parfois même la victime (phénomène mimétique). C’est pourquoi la femme accusée, tout comme le boiteux semblent extrêmement puissants. En réalité c’est la foule anxieuse qui est toute puissante et la victime impuissante. (texte 290)

* Mais pour Girard il ne s’agit pas d’une morale de la foule des faibles contre l’élite des forts.  Nietzsche ne voit pas le phénomène de foule mimétique derrière les mythes, dit Girard.  L’innocence des victimes, c’est la vérité. Les victimes sont des boucs émissaires désignés par le seul mimétisme violent. Elles sont donc réellement innocentes. Il y a là une coïncidence saisissante de morale et de vérité. (texte 290)

* En proclament la vérité des boucs émissaires, le judéo-chrétien ébranle le système mythique dans son ensemble, car le mensonge dénoncé joue un rôle essentiel dans la culture humaine. (texte 290)

 Citations bouc émissaire texte 289

* Prophétique, la manière de Girard l’est au sens où il ne peut faire valoir la vérité de la Bonne Nouvelle que par l’excès de son impuissance spectaculaire: il est vrai que le Christ subvertit la procédure du bouc émissaire (c’est bien en ce sens que Paul dit de lui qu’il est venu pour accomplir le « dernier » sacrifice: après lui, l’innocence de la victime ne pourra plus être déniée ni méconnue), mais il est non moins vrai que cette subversion a échoué puisque jamais le Christ n’a pu se démarquer de son simulateur de concurrent, l’Antéchrist. (texte 289)

* Sans doute le Christ est-il un bouc émissaire atypique puisqu’il prévoit cet échec, du moins sa possibilité, et que c’est aussi cette intuition qui autorise Girard à marquer la césure qui s’opère alors dans l’économie rituelle du bouc émissaire (le sacrifice d’une victime innocente substituée à une victime coupable, c’est, dit-il, l’invention christique et évangélique par excellence, la rupture du mécanisme rituel et mythique qui interdisait que puisse être jamais envisagée une pacification du monde: « La théorie mimétique montre que le judéo-chrétien n’est pas un mythe. Chaque fois qu’il décrit la violence collective, il ressemble à un mythe, mais il s’en distingue radicalement par l’interprétation qu’il en donne (…) Non seulement le judéo-chrétien possède une vérité qui a échappé à tous les mythes, mais, cette vérité, il est seul à savoir qu’il la pos­sède » 3). (texte 289)

* « Les textes judéo-chrétiens rétablissent ou plutôt établissent une vérité jamais encore repérée (…) Ils mettent à l’en-droit un rapport qui est toujours à l’envers dans les mythes, le rapport entre les victimes isolées, impuissantes, et les communautés qui les persécutent. Les textes judéo-chrétiens dévoilent la vérité que les mythes dissimulent. La défense des victimes n’est donc pas un prêchi-prêcha. En proclamant la vérité des boucs émissaires, le judéo-chrétien ébranle le système mythique dans son ensemble, car le mensonge dénoncé joue un rôle essentiel dans la culture humaine. » (texte 289)

* La démonstration consiste à répéter à son endroit la subversion qu’elle introduisit dans l’économie sacri­ficielle des sociétés païennes: de même qu’elle aurait interverti les positions respectives de la victime (coupable) et de la communauté (innocente) en représentant une victime spectaculairement innocente sacrifiée par une com­munauté coupable, de même elle a hérité à son tour de la structure du bouc émissaire qu’elle avait d’abord vidée de son sens originaire. (texte 289)

* On parlera ici de la structure en boucle de cette théorie: la critique évangélique du mythe et du mécanisme du bouc émissaire est elle-même, comme chris­tianisme, retombée dans l’administration de l’injustice et dans les mécanismes de discrimination et de stigmatisation d’une victime innocente – et l’anthropologie girardienne, elle qui se désigne comme celle par qui le scandale arrive, vient à son tour, selon, semble-t-il, le même tour critique, lever l’illusion sur l’histoire du christianisme comme histoire d’une rechute dans la pratique de l’incrimination d’un bouc émissaire(…). (texte 289)

Citations bouc émissaire texte 286

* Si l’on ajoute la focalisation perverse de l’appareil médiatique qui institue la personne psychotique en bouc émissaire commode, l’absence de pédagogie vulgarisa­trice d’une clinique psychique minimale (encore faudrait-il s’entendre sur un contenu moins mortifère que la clinique classique), la prégnance des représentations de l’homme de la rue, le piège qui se referme sur le malade psychiatrique est parfait. (texte 286)

* Sur un terrain de crise, les passions exacerbées collec­tivement peuvent conduire à stigmatiser les différences, à la recherche de boucs émissaires et de réponses radicales. (texte 286)

 Citations bouc émissaire texte 285

* Il résume : « La peine est utile, il faut pour la peine un patient; le juge­ment de responsabilité fournit ce patient, sorte de bouc émissaire sacrifié à l’égoïsme collectif. La justice, cette entité sublime, n’a rien à voir là : il n’y a ni innocent ni coupable au sens profond que la conscience donne à ces mots, mais seulement des individus qu’il est expédient de punir 18. » (texte 285)

* La logique de cette analyse étonne au premier abord. Les barreaux des prisons ne sont-ils pas là pour nous pré­server des agissements les plus dangereux ? Enferme-t-on des boucs émissaires qu’on transforme en parias alors qu’on croit mettre à l’écart des coupables ? (texte 285)

* Cela nous conduit à une troisième hypothèse. Ce serait plutôt le signe que les rôles impartis aux femmes dans la société, en particulier leur statut assigné de garantes de l’unité familiale, s’accommodent mal de la fonction attribuée aux personnes qu’on envoie en prison, boucs émissaires sacrifiés au profit d’un raffermissement des liens au sein du groupe social. (texte 285)

* La faible affiliation aux réseaux de sociabilité les plus légitimes des pays les plus développés sur le plan économique des per­sonnes envoyées en prison, en particulier s’il s’agit d’étrangers, les prédispose bien à tenir le rôle de boucs émissaires, dont le sacrifice a pour fonction de raffermir le corps social ; ils sont « sacrifiés à l’égoïsme collectif », écrivait Paul Fauconnet. (texte 285)

* »Comme l’a montré DERRIDA Jacques, le pharmakon est pour Platon parfaitement ambivalent en ce qu’il est dedans (à l’intérieur du corps) mais guérit du dehors comme par effraction, à la fois remède et poison, mixte impur sans identité stable qui ne disparait pas mais reste toujours en réserve, comme en excès, La dissémination, Paris, Editions du Seuil, coll. «Tel Quel», 1972, 407 p »

Citations bouc émissaire texte 459

« Contre cette menace agirait un « mécanisme » à valeur de constante anthropologique : celui du bouc émissaire, par lequel la violence de tous contre tous se transforme en violence de tous contre un. »p.501

Citations bouc émissaire

« Mais ne pourrait-on le rapprocher de la fonction de bouc émissaire assumée par le roi sacré tel que l’a décrit James G. Frazer, Le rameau d’or, t. 2, Paris, Robert Laffont, 1992, chap. II : « La mise à mort du roi divin », p. 26-91 : « Corps-fétiche » au service de l’ensemble de la communauté, chargé des souffrances et des « péchés » qui l’affectent, sa mort débarrasse la communauté de ce mal. Luc de Heusch commente : « Le régicide rituel, réel ou symbolique, apparaît comme l’un des fondements de la royauté sacrée » (Le roi de Kongo et les monstres sacrés. Mythes et rites bantous III, Paris, Gallimard, 2000, p. 32). » note de bas de page, Florence Buttay, « La mort du pape entre Renaissance et Contre-Réforme (…).

 Citations bouc émissaire

« Charles Rozan, Petites ignorances de la conversation, Paris : éd. Hetzel, s.d (aux alentours de 1880), p. 275 :
« Comme l’indique son étymologie, l’émissaire est un agent qu’on envoie au dehors, et cela dans une intention plus ou moins suspecte. Le bouc, bête à cornes généralement peu considérée, était souvent l’objet, chez les
anciens, des sacrifices destinés à apaiser la colère des dieux. » cité  par Marius-Liviu VOINEA, note de bas de page, p.162 (DISSEMBLANCES DE L’ETAT DE PARIA DANS L’ŒUVRE ROMANESQUE DE DOMINIQUE FERNANDEZ).

Citations bouc émissaire (CPQLSA)

  • cette violence se canalise à travers la désignation et l’expulsion de boucs émissaires, phénomène de réconciliation collective à l’origine de toutes les cultures archaïques. (p.86)
  • le mécanisme qui désigne et expulse un bouc émissaire et la dynamique mimétique qui conduit à ce meurtre (p.87)
  • nous sommes dans la nécessité d’aller et de revenir de l’alpha à l’oméga. Et ces mouvements constants, ces va-et-vient, obligent à des compositions en escargot, en volute, en spirale, qui finalement risquent d’être déconcertantes et même incompréhensibles pour le lecteur. (p.87)
  • Les Évangiles lisent le mythe (p.87)
  • d’ailleurs je pense qu’il faudrait aborder le livre comme un thriller. Tous les éléments sont donnés au début, mais il faut mener la lecture au bout pour que le sens apparaisse pleinement. (p.88)
  • vous confirmez la nature elliptique de la composition (…) (p.88)
  • Déjà dans le second Isaïe, il est dit du Serviteur qu’il : « n’avait ni beauté, ni éclat (…) méprisé et abandonné des hommes, il était semblable à ceux dont on détourne le visage » (Isaïe, 53, 2-3). ces phrases nous signalent les traits caractéristiques des boucs émissaires, et elles s’appliquent fort bien à beaucoup de personnages mythiques. (p.88)
  • Dans le récit mythique, l’opinion de la foule n’est jamais sujette à la critique d’une minorité dissidente (p.89)
  • (ils découvrent une sorte d’épistémè de la victime (p.89)
  • Dans le récit mythique, l’opinion de la foule n’est jamais sujette à la critique d’une minorité dissidente (p.89)
  • Il y a deux solutions: prendre le point de vue de la victime ou prendre celui des lyncheurs (p.90)
  • non seulement ils ne suivent pas la foule dans la condamnation de la victime mais l’importance de la minorité récalcitrante est souligné par le rôle que jouent les onze apôtres fidèles dans les Évangiles. (p90)
  • De quelle manière le christianisme reprend il la pierre rejetée, pour en faire une pierre fondatrice, angulaire ? (p.95)
  • En même temps, il faut savoir que la notion de bouc émissaire est paradoxale,même au niveau le plus banal : parce que nous en voyons partout, nous dénonçons hautement les persécuteurs. mais nous ne nous sentons jamais personnellement impliqués dans le mécanisme du bouc émissaire. l’expérience des boucs émissaires est universelle comme expérience objective et exceptionnelle comme expérience subjective. Personne ne dira : « Ah tiens, je ne m’en rendais pas compte, mais je suis persécuteur. » apparemment, tout le monde participe à ce phénomène, sauf chacun de nous. (p.100)
  • c’est elle qui rend les disciples capables de dire non à l’unanimité. elle démystifie l’unanimité violente qui toujours s’est faite contre la victime (p.101)
  • la connaissance de soi en tant que persécuteur (p.101)