A propos des tabous…

A propos des tabous institutionnels, bouc émissaire

La préservation des tabous institutionnels, la raison d’être du phénomène du bouc émissaire

Les tabous et le bouc émissaire :

Le moteur ultime du phénomène du bouc émissaire, c’est la préservation du tabou. Pour ne pas à avoir à affronter les tabous, alors les regards, discussions, animosités se développent et se tournent différemment.

Ainsi, le phénomène du bouc émissaire permet la pérennisation d’un groupe par l’exclusion d’un de ses membres, celui qui est désigné comme le bouc émissaire afin de préserver les tabous institutionnels et se préserver des conséquences néfastes de la quasi inévitable rivalité mimétique.

Attention : Celui qui abordera ou rappellera, directement ou indirectement un ou plusieurs des tabous du groupe, risquera plus que d’autres de devenir bouc émissaire.

La question des tabous est abordée de façon quasi exhaustive dans le livre Bouc émissaire, le concept en contexte dans le chapitre 5 Quand le bouc émissaire fait silence, plus particulièrement dans le texte Le bouc émissaire ou l’éclipse du tabou.

Elle l’est également dans le texte Le bouc émissaire en institution, retour sur un phénomène inévitable ?, chapitre du livre La violence en institution, situations critiques et significations.

Les tabous : une définition de base

Le dictionnaire nous dit (grand Robert des noms communs, art. tabou, sens 2) que le tabou est « ce sur quoi on fait silence, par pudeur, par crainte ». Le tabou est tout ce qui ne peut être dit, vu, entendu, pensé dans un groupe sous peine de le faire exploser. Le bouc émissaire trouve ainsi ses racines dans l’incapacité pour un groupe à penser, au sens complet du terme, certains sujets.

Les tabous, pourquoi ?

Nous posons comme hypothèse, maintes fois vérifiées, que cette incapacité est due à la trop forte charge émotionnelle ou idéologique dont est porteur le sujet devenu tabou. En d’autres termes le groupe ne peut penser car il est sans voix, il est aveuglé, assourdi, sidéré, par ses émotions et son idéologie. Évoquer le tabou, l’affronter reviendrait à déclencher une trop forte charge émotionnelle, à heurter l’idéologie du groupe et à travers elle, ses valeurs : certaines choses ne peuvent pas être remises en question, en débat, en cause. L’émotion et l’idéologie deviennent des obstacles à penser et à voir des réalités trop éloignées de ce qui est imaginable, acceptable.

Les sujets tabous sont propres à chaque groupe. Ils renvoient toujours aux mythes originels et ultérieurs que celui-ci s’est créé de façon à bâtir un fondement le plus solide possible, qui se veut même dans l’absolu inébranlable, inaliénable, inattaquable…sacré.

Les tabous et les mythes :

Nous repérons aisément deux sortes de mythes dans chaque groupe : les mythes fondateurs ou initiaux et les mythes ultérieurs. Parfois, ces deux types se rejoignent lorsqu’il s’agit de réécrire une partie de l’histoire. Rappelons que le mythedu grec mythos, trouve des analogies étymologiques, originelles et sémantiques avec certes le mensonge mais aussi avec le mutisme et le mystère. A ce titre, on discerne immédiatement en quoi il peut être périlleux d’évoquer les mythes et les tabous dans les groupes.

Le bouc émissaire, comme processus, vise à éviter l’explosion du groupe en substituant à la confrontation des tabous celle d’antagonismes plus superficiels.

C’est ainsi qu’il évite d’affronter les « antagonismes réels », que nous appelons désormais plus volontiers les tabous, de manière à mieux distinguer ce qui relève des reproches adressés au bouc émissaire lorsqu’il s’incarne de ce qui relève profondément de ce qui mène aux rivalités délétères et mortifères.

Les tabous, très simples à reconnaître

Pour les téméraires qui voudraient éviter le phénomène du bouc émissaire, il est toujours possible d’aborder les antagonismes réels, les tabous institutionnels. Il suffit pour cela, paraphrasant Nathalie Sarraute (le planétarium, p.144), de se poser la question : à quoi, à qui ne peut-on pas s’attaquer, quelles paroles ne peut-on pas prononcer en l’air, de quoi n’ose-t-on pas parler, ne nous viendrait-il pas à l’idée de parler ?

Pour aller plus loin, le 12 mai 2015, à l’Université Lille 3 , Rémi Casanova est intervenu sur cette thématique intitulée : « La préservation des tabous : justification du bouc émissaire » . Cette vidéo est à voir ici.

R Casanova, tabou

A la fin de cette courte vidéo, après une typologie des tabous institutionnels, quelques pistes essentielles pour « faire avec » les tabous.

Différents types de tabous :

Les tabous hérités, qui préexistent à la constitution du groupe et qui s’alimentent bien souvent dans l’hic et nunc vs les tabous construits hic et nunc, nés des problèmes non résolus du groupe, et qui finissent par faire partie de l’héritage.

Les tabous classiques et finalement relativement superficiels (on pourrait en sourire) vs les tabous tout aussi classiques mais profondément ancrés (on ne peut qu’en frémir).

De même, il y a des tabous quasi universels (des sujets qu’on ne peut aborder nulle part et à aucun moment) et d’autres qui sont circonscrits à un espace-temps, à un milieu, à un type de groupes.

 

Tabou et mensonge : une thématique à développer

Certes, on se ment pour préserver le tabou ;

Mais le tabou, une fois nommé, relève-t-il du mensonge ou est-il toujours fondé sur ce qui pourrait être considérée comme une faute originelle ?

Revenons à la figure du bouc émissaire,

et posons cette hypothèse, assez originale et complémentaire de l’approche que nous développons ailleurs :

« serait bouc émissaire celui qui serait sur le point de révéler ou de faire émerger  les tabous du groupe. »