Livre Bouc émissaire, le concept en contextes, Sepp Arvi, Le stigmate linguistique du bouc émissaire

Le stigmate linguistique du bouc émissaire.

Victor Klemperer et l’analyse du langage antisémite dans le national-socialisme

une contribution rédigée par Sepp Arvi

dans le chapitre « Les stéréotypes au cœur de la construction du bouc émissaire ? »,

chapitre 7 du livre Bouc émissaire : le concept en contextes, dirigé par Rémi CASANOVA et  Françoise-Marie NOGUES,

publié aux PUS, en novembre 2018

 

Le texte commence par ceci :

« À partir de 1942, le professeur juif-allemand de langues romanes Victor Klemperer entreprit, dans ses journaux, une analyse approfondie du langage nazi. Dans son journal, il rédigea des notes concrètes et minutieusement détaillées de ses réflexions sur les institutions fascistes, sur son exclusion progressive de la société en tant que juif, sur la situation des gens ordinaires dans le national-socialisme, en relation avec la législation, les conditions de travail et les médias. » 

et se termine par ceci :

« Du point de vue de Klemperer, le glissement du langage nazi et de l’idéologie raciale afférente dans le psyché des victimes est littéralement très douloureux : « Chaque jour était une nouvelle claque dans la figure, pire que le Du et les insultes de la Gestapo, je n’ai jamais pu prévaloir avec des explications ou des protestations, je ne m’y suis jamais habitué » (2001, p. 243). C’est dans la croyance pseudo-scientifique dans la notion de race que Klemperer voit l’incarnation des caractéristiques principales de l’idéologie national-socialiste et sa légitimation idéologique du bouc émissaire juif : anti-individualisme, anti-humanisme, anti-intellectualisme, simplification à l’outrance et excès dans l’émotion. Il ressort des journaux de Klemperer à quel point sa marginalité l’a encouragé à ne jamais abandonner la quête de sa connaissance de soi : l’écriture est un processus qui reflète les origines et les tensions potentielles de sa propre identité..»

On y trouve notamment :

« D’autre part, quand il envisage l’exclusion raciale, Klemperer fait constamment appel à la forme collective « wir » qui désigne les juifs persécutés comme un groupe dont il fait partie.»

« Dans le chapitre « Elemente des Antisemitismus. Grenzen der Aufklärung » dans Dialektik der Aufklärung, Adorno et Horkheimer soulignent la dé-spécification et la réduction à un stéréotype de l’image du juif dans la modernité »

« Mais il n’y avait pas que la population « aryenne » à être empoisonnée par « le caractère toxique du LTI » (Klemperer, 2001, p. 27) ; l’identité même des juifs était affectée par la violence linguistique des nazis, dans ce sens que, par la reprise de cette dichotomie juif-allemand, les gens se classifiaient eux-mêmes dans une matrice ethnique. »

                                                                                

Sepp Arvi

Sepp Arvi est professeur de littérature allemande à l’Université d’Anvers, professeur de traductologie à la Vrije Universiteit Brussel (VUB) et

Sepp Arvi, stigmate linguistique dans le livre dirigé par Rémi Casanova et Françoise-Marie Noguès : bouc émissaire, le concept en contextes

Sepp Arvi, stigmate linguistique et bouc émissaire

chercheur affilié à l’Institut d’études juives à Anvers. Il a publié de nombreux articles sur la littérature comparée, la littérature juive-allemande, la traduction littéraire et l’écriture autobiographique.