Poésie et bouc émissaire

feather-305273_640Poésie et bouc émissaire

La poésie est ce genre littéraire qui tend toujours à mettre en valeur le rythme, l’harmonie et les images. A ce titre, elle permet d’exprimer de façon singulière les phénomènes de société, les aspirations des peuples, les positions des individus. Elle devient un support potentiel de la description du phénomène et de la figure du bouc émissaire : » les animaux malades de la peste «  notamment, cette fable de Jean de La Fontaine exemplifie très finement à la fois la phase d’emballement mimétique que la figure du bouc émissaire (ici un âne) et les signes victimaires dont il est porteur. Mais déjà, le loup n’accuse-t-il pas l’agneau, dans une logique qui lui serait proche ?

On lira également avec intérêt les poésies plus ou moins célèbres intitulées « bouc émissaire  » ou qui abordent plus ou moins directement, avec plus ou moins d’évidence le phénomène : leurs présences ici valent bien sûr davantage pour leur capacité à faire réfléchir sur le bouc émissaire que sur des qualités poétiques que nous ne nous permettons pas d’évaluer.

Nous savons par ailleurs, notamment depuis Léon Bloy, que « le signe incontestable du grand poète c’est l’inconscience prophétique, la troublante faculté de proférer par-dessus les hommes et le temps des paroles inouïes dont il ignore lui-même la portée.», (Belluaires et Porchers, 1905). A ce titre, de nombreux poètes ont pu être considérés comme des boucs émissaires ou contribuer, par leurs œuvres, à participer du processus dans un contexte social précis : que l’on songe à Victor Hugo et son poème célèbre qui débute ainsi : «  donc c’est moi qui suis l’ogre et le bouc émissaire «  (réponse à un acte d’accusation, Les contemplations, 1856).

Parfois, l’affaire est beaucoup plus simple,  » le poète a dit la vérité, il va être exécuté  » (La Vérité, Guy Béart)

Enfin, la poésie elle-même, peut elle être considérée comme bouc émissaire, ou participer, de sa place, au phénomène ? C’est peut-être ce que laisse entendre Hugo Friedrich (Structure de la poésie moderne, 1976, p. 17):  » La poésie se voulut expression d’une souffrance enfermée dans un cercle sans issue : dans le verbe, elle n’espère plus trouver le salut, mais seulement la possibilité de la nuance.« .

Bonne lecture.