L’événement fédérateur positif pour en finir avec le bouc émissaire

L’événement fédérateur positif est le bouc émissaire le plus abouti. Voilà une affirmation qui pourrait surprendre !

Et pourtant le bouc émissaire est, rappelons-le, un processus de double substitution. La première substitution est celle des antagonismes : aux antagonismes réels, on substitue des problématiques secondaires qui font écran et permettent aux tabous leur préservation. Il n’est question dans ce texte de cette substitution là que de façon indirecte.

La substitution dont il est question est celle qui concerne la victime. Dans le processus initial la victime, si le bouc ne prenait pas sa place, serait le groupe social lui-même. Le bouc prend la place du groupe et, par son exclusion, évite l’explosion du groupe. Il s’agit d’une première symbolisation de la victime. Nous proposons comme réponses ultérieures et successives la poursuite du processus de symbolisation et de substitution jusqu’à l’oubli même de la victime expiatoire.

L’événement fédérateur positif prévient, anticipe puis casse la logique de délitement du groupe et le recentre sur du positif.

Il se comprend à différents moments du cycle : dans une logique totalement préventive, il peut se situer lors de la première étape, la phase apaisée, lorsque l’on crée, constitue et conforte le groupe autour de ses valeurs et ses projets ; dans une logique corrective et réorientante, il peut se situer à partir de la phase de recherche de la victime.

L’événement fédérateur positif est de deux ordres au moins : il est commémoratif, tourné vers la réactualisation des valeurs du passé (par exemple le 14 juillet,le 11 novembre) ou il est projectif (par exemple les jeux olympiques, une rencontre artistique ou plus modestement une fête de fin d’année ou de famille).

L’événement fédérateur positif commémoratif et l’événement fédérateur positif projectif répondent à la problématique du bouc émissaire en la renversant : elle crée la cohésion du groupe sur la base du renouvellement de ses forces et de ses compétences.

Il représente, selon nous, le bouc émissaire le plus abouti en substituant à un processus délétère qui aboutit à une victime, une dynamique bienfaisante. Cet événement agit in fine telle une bifurcation au sein du cycle : à la construction, désignation puis exclusion de la victime, on lui préfère la préparation d’événements qui fédèrent le groupe sur son histoire, ses valeurs et ses projets.

On le voit, cette approche que nous préconisons entre en parfaite congruence avec cette réflexion essentielle : « Il est vital pour une société de pouvoir faire table rase de son passé et de se décharger de sa violence. Mais est-il sûr que cela suffise pour permettre à  une société d’exister ? La rupture avec le passé, si elle n’est pas liée à  un projet, risque fort, on le voit bien, de faire replonger dans des maux pires encore que ceux dont on pensait s’être libéré. »