Le sacrifice humain en Grèce ancienne,

un livre de Pierre BONNECHERE,

publié aux Presses Universitaire de Liège, en 1994.

Sacrifice humain, bouc émissaire et pharmakos en perspective…

Bouc émissaire et pharmakos ont en commun d'être un rite sacrificiel

Un livre qui permet d’articuler les notions de http://bouc-émissaire.com/bouc-emissaire-un-processus-en-sept-etapes/bouc émissaire et de pharmakos à travers l’histoire du sacrifice en Grèce ancienne.

Le sommaire :

  • Introduction
  • Première partie. Le sacrifice humain grec dans le mythe et dans le rite
  • Chapitre I. Sacrifice humain et rites d’initiation à l’âge adulte
  • Chapitre II. Sacrifice humain et culte dionysiaque
  • Deuxième partie
  • Le sacrifice humain dans la pensée grecque
  • Troisième partie
  • Retour sur quelques cas de sacrifice humain
  • Conclusion. Le sacrifice humain en Grèce ancienne : un phénomène marginal au centre de la « polis »
  • Bibliographie
  • Index des sources anciennes
  • Index général (lieux, personnes, réalités)
  • Index des mots grecs

On y trouve de très nombreuses références aux thématiques qui nous intéressent :

Par exemple, un questionnement concernant la mise à mort du bouc émissaire – pharmakos :

Prenons par exemple le cas des boucs émissaires, et plaçons-nous du côté de ceux qui prétendent que les φαρμακοί étaient effectivement mis à mort lors des Thargélies athéniennes : les uns diront qu’il s’agit d’un meurtre rituel par excellence, les autres diront que les Thargélies étaient dédiées à Artémis et Apollon et que, d’une certaine façon, l’offrande leur était en partie destinée, tandis que certains affirmeront que les Grecs concevaient certainement la mise à mort comme un sacrifice à ces divinités. C’est pourquoi il m’apparaît moins discutable d’appeler sacrifice humain toute mise à mort rituelle d’êtres humains, et de réserver à plus tard, éventuellement, la classification des cas de sacrifices humains grecs selon cette distinction théorique.

L’expiation au centre du sauvetage du groupe :

Selon une objection légitime qu’il est temps de rencontrer, les légendes que j’ai
rapportées au domaine des initiations entreraient en fait dans la sphère des expiations,
en ce qu’elles sont proches des histoires de boucs émissaires, auxquelles nous consacrons
le dernier chapitre : les rituels dans lesquels l’élimination d’une ou de deux personnes,
réelle ou fictive selon les avis, sauve l’entièreté de la cité trouveraient ainsi leur pendant
légendaire dans les récits où la mort acceptée par un ou deux citoyens permet à la
communauté entière d’échapper à la destruction.

Une réflexion sur la nature de la victime émissaire :

Les considérations sociologiques d’un J.-P. VERNANT ( Ambiguïté et renversement, p. 118)
parviennent habilement à réconcilier les différences de statut social (φαρμαϰός par le haut et le bas de l’échelle sociale), mais elles peuvent apparaître aussi simplement comme une nouvelle façon d’exposer le problème, non de le résoudre. Au début du siècle, F. SCHWENN (Menschenopfer, p. 121-139) avait considéré que le rituel historique avait fourni, à des poètes comme Euripide, le thème du sacrifice humain, et que peu à peu l’imagination des auteurs aurait substitué, aux êtres répugnants qui faisaient office de φαρμαϰοί, des créatures nobles et de haut rang. À la même époque, J.G. FRAZER (Bouc émissaire, p. 273-364 ; Id., Dieu qui meurt, p. 1-166), s’appuyant sur les riches théories de Wilhelm Mannhardt (Mythologische Forschungen), estimait au contraire que le roi avait incarné primitivement le bien-être de la communauté, et que celui-ci pouvait être mis à mort lorsque cette incarnation n’était plus efficace : le mythe reflétait alors la réalité première, et les festivals où les φαρμαϰοί n’étaient plus que le rebut de la société n’en seraient que l’abâtardissement. La théorie du roi incarnant le bien de son peuple n’est certes pas erronée :
Œdipe est responsable des malheurs de Thèbes : J.-P. VERNANT, Ambiguïté et renversement, p. 101-131 ; le roi Oinoclos est lapidé par son peuple lors d’une famine (Plut, Quest, gr, 13, p. 294A ; 26, p. 297C) : voir Y. BÉQUIGNON, Vallée du Sperchéios, p. 173-174 ; M.B. SAKELLARIOU, Migration des Aenianes, p. 173-180 ; voir aussi R. GIRARD, Choses cachées, p. 59-66 ; J. HANI, Royauté sacrée, passim ; Regalita sacra, passim.

Cette particularité m’a rendu sensible à un rapprochement sans doute pertinent : Clément d’Alexandrie (Protr., 3, 42), s’inspirant d’un certain Pythoclès de Samos (833 F 2), prétend que les Phocéens brûlaient un homme en l’honneur d’Artémis Tauropolos. Il ne fournit aucune autre précision, et toute interprétation reste sujette à caution. L.R. FARNELL (Cuits, 2, p. 40-41), F. SCHWENN (Menschenopfer, p. 76-77), et H. OPPERMAN (Art.
Tauropolos, col. 37) croyaient à un cas de φαρμαϰός, en se basant sur le rituel de Massalia, colonie phocéenne, qu’on pensait erronément se clôturer par la mise à mort du bouc émissaire (voir supra, p. 104, n. 430). La façon dont Clément s’exprime, cependant, est similaire à celle qu’utilise Porphyre quand celui-ci précisait que la combustion de l’homme immolé, et non du bœuf , clôturait le prétendu sacrifice humain de Salamine de Chypre, puisqu’il ne mentionne que plus tard la substitution d’un bœuf à la victime humaine. À supposer que Porphyre ait omis le récit de la substitution, on en aurait conclu que les Salaminiens brûlaient un homme à Aglauros : Clément cherche en terrain grec des arguments contre le paganisme et aurait pu couper le texte au bon moment ; nous avons affaire à un culte d’Artémis, de surcroît Tauropolos comme à Halae, dont le fondateur Oreste n’a que de peu échappé au bûcher. Il est donc probable qu’il y ait eu à Phocée un rituel sanglant effectué sur des animaux mais qui passait pour l’affaiblissement d’antiques sacrifices humains dont Clément se serait contenté de parler par allusions orientées. Selon F.
GRAF (Nordionische Kulte, p. 410-417), des affinités avec les rituels du feu caractéristiques d’Artémis en Grèce centrale et achaïenne ne sont certes pas à exclure (Artémis Laphria de Patras, Élaphébolos de Hyampolis : sur cette dernière, voir P. ELLINGER, Hyampolis, p. 88-99).

Le lecteur l’aura compris, il s’agit d’un livre essentiel !

Un compte rendu, proposé par Janick Auberger : ici

Et le livre complet sur la plate forme OpenEdition: ici