Le Christ bouc émissaire ?

un article de Raymund SCHWAGER,

traduit de l’allemand par Eric Haeussler et Jean Louis Schlegel,

dans la revue Esprit, Religions et politique, séparations sous tension, en février 2011, pages 47 à 55.

Couverture de la revue ESPRIT intitulée Religions et politique : séparations sous tension

L’article commence par ceci : « Dans la Violence et le Sacré, les analyses littéraires et ethnologiques approfondies de René Girard montrent que le choix du bouc émissaire est toujours absolument aléatoire. Girard peut ainsi expliquer que la violence qui fait irruption n’est pas due à des motifs objectifs, mais à la mimésis (c’est-à-dire la contagion du besoin d’imiter ce que font les autres). Elle se décharge sur quelqu’un qui n’est ni plus ni moins coupable que tous les autres. À travers ce jeu du hasard, l’innombrable diversité des religions et des cultures reçoit, par la même occasion, une explication originale.

Et se termine par ceci : « À la question restée ouverte, les écrits néotestamentaires donnent une réponse claire. La révélation que, sous les tendances violentes, sévit en dernière instance la rancune contre Dieu et que, à travers tous les boucs émissaires choisis au hasard, c’est Dieu qui est visé en tant que coupable présumé, voilà qui met en évidence de nouveaux liens entre le mécanisme de la violence unanime et l’origine des représentations sacrées. Si lors de chaque attroupement contre une victime aléatoire c’est Dieu qui est, de façon obscure et détournée, visé comme ultime bouc émissaire, il y a aussi quelque représentation obscure de lui qui est projetée dans toute victime aléatoire. Dans tous les fantasmes collectifs, on trouve par conséquent une image déformée du vrai Dieu. Le transfert unanime de l’agressivité sur une victime aléatoire éclaire la multiplicité des formes d’expression religieuse et le double visage du sacré en tant que puissance de bénédiction et de mort, en tant qu’effroi bouleversant et fascination ensorcelante. Mais seule la représentation déformée du vrai Dieu qui l’accompagne permet finalement de comprendre la différence fondamentale entre le profane et le sacré. L’homme est susceptible d’être impressionné jusqu’en ses racines les plus profondes par des images qu’il a lui-même créées, car à travers ces images il ressent la présence d’une réalité qui lui est absolument supérieure. Les boucs émissaires prennent une qualité sacrée parce que la rancune contre Dieu et le Fils bien-aimé est déchargée secrètement sur eux. La réaction contre le bouc émissaire « nécessaire » montre clairement ce qui demeurait voilé dans l’expulsion des victimes contingentes. »

 

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