Bouc émissaire et Révélation chrétienne, Paul VALADIER

Bouc émissaire et Révélation chrétienne selon René Girard,

Paul VALADIER,

Études, 7/1982 (Tome 357), p. 251-260.

Bouc émissaire et Révélation chrétienne selon René Girard, par Paul Valadier

Voilà comment commence l’article : « L’oeuvre de René Girard fascine, et ce n’est pas son dernier livre, Le Bouc Emissaire (Grasset, 1982), qui mettra fin à cette fascination. »

Comme beaucoup d’autres auteurs, Paul Valadier expose le processus du bouc émissaire : « Cette crise joue d’emblée dans un espace social, et elle se reproduit chaque fois que des individus se sentent menacés dans leurs différences ou que le chaos, l’indistinction, l’égalité niveleuse prennent le dessus. Elle ne trouve sa solution (illusoire, bien entendu), ou encore le groupe ne reconquiert son unité menacée qu’en expulsant une victime identifiée à la cause du mal. Cette victime, le bouc émissaire (2), devient le centre d’un processus de sacralisation, puisqu’elle est à la fois redoutée (donc repoussée du groupe) et magnifiée (car son exclusion restaure paix et harmonie du groupe). En ce sens, le « religieux » est au coeur de la genèse du social et du culturel, puisque la victime tuée devient source de vie ce qu’on tue donne vie. Et, au fond, les sociétés s’ingénient à revivifier ce processus tout en le ritualisant elles tentent de reproduire, chaque fois qu’une crise apparaît, ce processus sacrificiel sous forme de rites (3). »

Puis il poursuit (p.254) : « Une telle anthropologie fondamentale nous situe, on le voit, au cœur du processus d’humanisation et de socialisation. Elle dévoile sous la paix et la stabilité apparentes des sociétés un non-dit caché, et toujours exclu toute paix est payée au prix du sang d’une victime. »

Page 255, il expose sa façon de procéder : « Je ramasse quelques remarques, non exclusives (5), qui trouvent des appuis dans Le Bouc Emissaire, en particulier. »

On trouve alors, notamment (page 258) : « Une critique technique de la théorie devrait montrer comment ce rationalisme gnostique conduit Girard à écarter dans les textes bibliques tout ce qui cadre mal avec lui. Ainsi l’identification de la mort du Christ avec le rite du bouc émissaire est-elle déjà caractéristique (8), mais non moins, dans la Passion elle-même, la relativisation de l’attitude de don de soi, d’offrande, de remise entre les mains du Père, pourtant si présente dans un évangile comme celui de Jean, par exemple. Si, en effet, le sacrifice n’est qu’une couverture au profit de la seule exclusion sociale, la victime peut tout au plus s’illustrer par son innocence et sa volonté de pardon (d’ailleurs assez vaine dans le contexte de cette interprétation), mais nullement transfigurer l’exclusion en acte d’allégeance à Dieu. »

Page 260, il écrit par ailleurs : « Certes, même partiale et indûment élevée au rang de théorie explicative
totale, cette conception ne manque pas de jeter de vives lumières sur certains aspects de la vie sociale (10) (où des exclusions de type bouc émissaire sont effectivement à l’œuvre), sur la possibilité d’un déchaînement sans frein de la violence sous l’effet du mimétisme, sur l’influence ambiguë du christianisme qui, non violent sous certains aspects, peut contribuer à enrayer les mécanismes sociaux d’exorcisme de la rivalité. Elle oblige à reconnaître aussi que la Révélation recèle ce que je préfère appeler une sagesse des relations sociales. »

Nous reproduisons la note 10, dont il est question dans l’extrait cité ci dessus : « 10. (…). Les derniers chapitres du Bouc Emissaire, en particulier l’étude consacrée à la décollation de Jean- Baptiste, sont tout à fait remarquables. »

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